blanContact – Pour créer à travers le relationnel

par Marie-Laure Rolland

C’est un tour de force. Humainement et artistiquement. Il suffit d’assister à une répétition pour s’en convaincre. Ce jour là, il y a eu filage toute la journée au Mierscher Kulturhaus pour peaufiner le nouveau spectacle du projet blanContact. Les chorégraphes Annick Pütz et Thierry Raymond sont aux commandes. La première de «A part être» a lieu le vendredi 20 avril, ultime étape d’un parcours qui a débuté deux ans plus tôt.

Cette grosse production réunit 20 personnes sur scène, parmi lesquelles sept danseurs lourdement handicapés, trois danseurs professionnels, deux musiciens et huit danseurs amateurs. Avant même la première, un œil averti peut se rendre compte que le résultat est hors du commun. On y retrouve la même exigence artistique alliée à une quête humaniste que chez Pippo Delbono, grande figure de la scène européenne du théâtre. C’est au cœur de la personnalité de chaque participant qu’est puisée la matière qui va être mise en forme artistiquement. Ou comme le dit Annick Pütz: «Ce qui nous intéresse dans ce projet est de créer à travers le relationnel». Et cette année, pour pimenter le tout, des objets animés de l’artiste Frank Soehnle sont venus s’ajouter à la scénographie signée Trixi Weis.

Antonio et les araignées

Alors que la répétition est finie, personne ne semble décidé à quitter les lieux. «La journée s’est bien passée», souffle la chorégraphe en esquissant un sourire, le visage pâli par la fatigue, «enfin bien sûr il y a encore quelques points à ajuster».

Annick Pütz et Thierry Raymond lors des répétitions de « A part être » (photo: Marie-Laure Rolland)

Déjà, un bus attend cinq danseurs pour les ramener à leur foyer de la Fondation Kräizberg, qui aide les personnes atteintes d’un handicap physique. Cette institution est depuis 10 ans la partenaire du projet blanContact, initié grâce l’engagement de la directrice du Mierscher Kulturhaus, Karin Kremer .

Le bus devra attendre. Les artistes entendent bien profiter de la présence médiatique pour jouer aux stars. Comme Antonio Mazzaro, l’un des doyens du projet blanContact. L’homme est cloué sur un fauteuil roulant électrique, le petit corps recroquevillé dans une posture rigide. Ce qui ne l’empêche pas de participer au projet chorégraphique pour la quatrième édition. Il parvient à manœuvrer du bout des doigts son engin avec suffisamment de précision pour interagir avec ses partenaires. L’une de ses interventions sur scène est particulièrement délicate puisqu’il doit évoluer entre une sorte de toile d’araignée de fils tendus par des danseuses. Un défi qu’il relève sans faillir, au son de la musique improvisée en direct, pour mieux pouvoir réagir aux imprévus, par Nicolas Billaux (hautbois) et Florence Borgers (piano et contrebasse). S’il ne parvient pas à s’exprimer distinctement, le large sourire d’Antonio parvient à faire passer le message. Il est heureux et fier d’être là.

Tout comme Steve Urbin, plus jeune qu’Antonio à l’état civil comme dans blanContact. Sa présence sur scène est un petit miracle. Depuis un grave accident qui s’est produit il y a dix-huit ans, le danseur a perdu l’essentiel de sa mémoire. C’est lui qui nous le dit en nous montrant la grande cicatrice qui barre le sommet de son crâne. Comment fait-il pour apprendre son rôle? «C’est l’interaction avec les danseurs valides qui lui permet de se repérer dans l’espace et de suivre le fil de la pièce», explique Annick Pütz. Des gestes qui ne s’improvisent pas. «A part être» résulte d’un long processus de deux années durant lesquelles, une fois par mois, des ateliers ont réuni par petits groupes les danseurs et chorégraphes.

Sandra et le droit à l’erreur

blanContact – « A part être » d’Annick Pütz et Thierry Raymond (photo: Patrick Galbats)

Sandra Beck est l’une des danseuses valides engagée dans ce projet. Cette jeune étudiante originaire du Liechtenstein participe pour la deuxième fois à une création de blanContact. Comment gère-t-elle le stress de devoir interargir avec des personnes handicapées mentalement ou physiquement? «Sur scène, nous sommes tous égaux. Cela peut aussi m’arriver de réagir à côté de la plaque». Pour celle qui fait un Bachelor en Sciences sociales et éducatives à l’Uni.lu, «c’est un projet qui nous nourrit tous, handicapés ou non».

A ses côtés, Martina Haasenritter, chargée de direction à la Fondation Kräizberg et interprète sur scène, acquiesce. «Je constate une grosse évolution depuis le début. Je ne pensais pas que l’on arriverait à aller aussi loin».

Marie-Laure Rolland

Distribution et partenaires

Direction artistique, chorégraphie Annick Pütz, Thierry Raymond Danseur Giovanni Zazzera Danseurs des ateliers blanContact Pierre Bangnowski, Sandra Beck, Michèle Besch, Irma Chenet, Jean-Marie Dummong, Martina Haasenritter, Nora Nouche Hoffmann, Antonio Mazzaro, Michael Meier, Patrick Racz, Fabienne Theisen, Steve Urbing, Tiziana Valenzano, Katalin Wagner, Dany Weber Danseurs invités du collectif DADOFONIC Cristiano Dias Andrade, Sandra Fernandes Fitas Musiciens Nicolas Billaux (hautbois, Florence Borgers (piano, contrebasse) Œil externe manipulation d’objets Frank Soehnle Scénographie Trixi Weis Costumes Dagmar Weitze Création lumière Nina Schaeffer Habilleuses Liette Majerus

Production Mierscher Kulturhaus, Fondation Kräizbierg Coproduction Les Théâtres de la Ville de Luxembourg Aide financière Oeuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte Réalisé avec le concours du Fonds culturel national Luxembourg Avec le soutien de Fondation Indépendance, Ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région Partenaires TROIS C-L – Centre de Création Chorégraphique Luxembourgeois, collectif DADOFONIC

 

Informations pratiques

Au Mierscher Kulturhaus
Vendredi 20.04.18, 20:00 (Première)

Samedi 21.04.18, 20:00
Dimanche 22.04.18, 17:00

Au Grand Théâtre de la Ville de Luxembourg
Jeudi 03.05.18 20:00

Réservations
47 08 95 1(www.luxembourgticket.lu)
Tickets 20€ (réduit 8€)
Informations supplémentaires sur www.kulturhaus.lu / www.theatres.lu

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