La scène de la danse reprend son souffle

par Marie-Laure Rolland

Allégée. Éclectique – tendance pop et contemporaine. Participative. Ces quelques mots donnent la tonalité de la programmation de la saison de danse sur les scènes du Luxembourg. Voici mes coups de cœur et aussi quelques réflexions sur l’évolution de l’offre de spectacles.

par Marie-Laure Rolland

Le Grand Théâtre de la ville de Luxembourg est la scène incontournable au Luxembourg pour rester au parfum des grandes productions internationales. Mais il faut bien dire que la danse n’y a plus la place qu’elle occupait à l’époque du précédent directeur, Frank Feitler. Avec le changement de direction – dans un contexte sanitaire et financier il est vrai compliqué – le nombre et le format des productions de danse ont diminué. Pas la qualité heureusement.

Au passage, on peut regretter que le site internet du théâtre soit toujours aussi peu maniable, malgré les efforts pour l’améliorer. Les chemins d’accès à l’information imposent sans arrêt de repartir à zéro dans ses recherches. Au risque de décourager les moins obstinés…

J’ai pris une grande respiration pour m’y plonger. Alors voici : 17 productions de danse sont à l’affiche cette saison.

La programmation s’appuie sur des habitués de la maison que l’on retrouve toujours avec plaisir : José Montalvo avec sa comédie musicale vitaminée Gloria (5 et 6.10), le Tanz Theater Wuppertaal dans une pièce rarement dansée de Pina Bausch, Das Stück mit dem Schiff (du 13 au 16.10), la compagnie sud-africaine Via Kathelhong (14 et 15.12), Blanca Li (avec son fameux Bal participatif et en partie virtuel, programmé autour du nouvel an), la star du flamenco Patricia Guerrero (18 et 19.01), Anne-Teresa de Keersmaeker qui dansera en solo sur les variations Goldberg de Bach (les 5 et 6.05, mon highlight de la saison !!!), sans oublier Sidi Larbi Cherkaoui (29 et 30.06). 

Le Tanztheater Wuppertal Pina Bausch dans « Das Stück mit dem Schiff » (photo: Uwe Stratmann)

Derrière ces stars, on peut saluer le soutien du théâtre à la jeune création luxembourgeoise. Deux artistes aux univers contrastés présenteront leurs nouvelles créations.

Tania Soubry poursuit ses réflexions politiques et poétiques autour de la question environnementale dans la performance pour trois danseurs et un musicien intitulée DJ WHIMSY or what will the climate be like? (à voir en décembre).

Sa magnifique création autour de Ligeti a valu à Elisabeth Schilling non seulement d’être distinguée par le Lëtzebuerger Danzpräis en 2021, mais aussi d’être désormais artiste en résidence au Grand Théâtre de Luxembourg. Elle poursuit son exploration dansée des textures sonores dans Florescence in Decay, une pièce pour 11 danseurs et l’Orchestre de chambre de Luxembourg (en mars 2023). On devrait en savoir plus sur les projets et les moyens dont elle disposera pendant cette période de quatre ans de résidence lors d’une conférence de presse prévue à l’automne.

A noter qu’Élisabeth Schilling, décidément très demandée, achève parallèlement une résidence au Trifolion d’Echternach. La première de Ita Finita, sa nouvelle pièce pour trois danseurs inspirée de la Partita pour violon n°1 de Bach, y est à l’affiche le 7 octobre.  Un projet développé en collaboration avec l’Ensemble de musique contemporaine Lucillin.

 

Anne-Mareike Hess dans « Dreamer » (photo: Bohumil Kostohryz)

Anne-Mareike Hess reprend sa pièce Dreamer à neimënster les 9, 10 et 11 mars 2023. Quelques jours plus tard, la nouvelle création d’Anne-Mareike, intitulée Weaver, aura sa première sur cette même scène (les 24,25 et 26.03). 

En marge de ces spectacles, vous pourrez (re)voir au TROIS-CL le film documentaire que j’ai réalisé avec Bohumil Kostohryz sur le processus créatif de la chorégraphe :  ANNE-MAREIKE HESS – LE CORPS EN ETAT D’URGENCE (date à confirmer).

 

Le Kinneksbond de Mamer mise sur le mélange des genres, au carrefour du contemporain et du classique. Voilà qui peut ouvrir des perspectives à un public qui n’ose pas forcément sortir de sa zone de confort.

Jan Martens dans « Elisabeth gets her way » (photo: Luis Xertu)

Le danseur Olivier Dubois explore la notion de chef d’œuvre chorégraphique dans un solo intimiste et participatif, qui fait entrer le public dans son jeu (26 et 27 octobre). À ne pas manquer : la nouvelle coqueluche de la scène de la danse contemporaine, Jan Martens, revient à Mamer (le 27 janvier) avec un portrait dansé de la claveciniste Elisabeth Chojnacka (1939-2017). Le ballet Giselle  est revisité par le metteur en scène François Gremaud et Samantha van Wissen, ex danseuse d’Anne Teresa de Keersmaeker (le 24 février). 

Chaque année, le Kinneksbond met à l’honneur les artistes du pays lors d’une soirée luxembourgeoise. Cette saison, elle aura lieu le 9 juin. Le directeur Jérôme Konen a invité William Cardoso, un jeune chorégraphe à la sensibilité à fleur de peau qui présentera sa nouvelle pièce intitulée Baby ; le même soir, après l’ambitieux Shoot the cameraman qui faisait dialoguer danse et vidéo live, la compagnie AWA nous entraîne dans sa nouvelle création sur les pas de Mary’s.

 

Le théâtre d’Esch de son côté met un accent sur les danses urbaines. L’un des temps forts de la saison sera Folia de Mourad Merzouki, où se mêlent hip hop et musique baroque (13 et 14 janvier). 

« Folia » de Mourad Merzouki (photo: Gilles Aguilar)

Je suis très curieuse aussi de découvrir (du 9 au 11 décembre) la nouvelle création de la chorégraphe luxembourgeoise Simone Mousset, Empire of a faun imaginary, dans la veine surréaliste et humoristique propre à l’artiste. J’en ai eu un avant-goût à Marseille il y a quelques mois. La lauréate 2017 du Lëtzebuerger Danzpräis possède l’art de créer des mondes totalement surréalistes, baignés d’humour et d’intelligence, pour radiographier nos sociétés. 

Et on peut se réjouir du retour du grand Jean-Claude Gallotta, qui nous entraîne cette fois sur les pas de la figure mythique de Pénélope (22 février).

 

Le TNL de la route de Longwy à Luxembourg fait un peu profil bas en danse, mais il ne faut pas manquer le 8 novembre la venue d’une troupe ukraino-polonaise sous la direction de Maciej Kuźmiński. Sur fond de guerre en Ukraine, Every Minute Motherland, questionne les notions d’identité, valeurs, patrie.

Et aussi, parce qu’elle a une finesse incomparable dans son approche du corps, notez la nouvelle création d’Emanuela Iacopini au TNL en février 2023, We though we knew what we were doing.

 

Les amateurs de ballet néo-classique prendront le chemin du CAPE d’Ettelbrück pour voir la nouvelle pièce de la compagnie Luxembourg Ballet, dirigée par la chorégraphe d’origine biélorusse Volha Kastsel. Celle-ci s’est implantée  dans le pays, forte de son expérience notamment à l’opéra de Minsk où elle a chorégraphié de nombreuses pièces de ballet. Elle a pris modestement ses marques au Luxembourg avec un très réussi Casse-Noisette, de petit format, présenté au château de Wiltz en décembre 2021. Cette fois, elle met en scène  dix danseurs pour revisiter le personnage de Don Juan (les 1er et 2 octobre).

 

A cela s’ajoutent de multiples spectacles ou performances hors les murs, notamment dans le cadre de la capitale européenne de la Culture Esch 2022. A noter : le 22 octobre, un Grand Bal gratuit et ouvert à tous clôture les DifferdanceDays avec le collectif Lucoda au Aalt Stadhaus de Differdange.

 

N’oubliez pas d’aller faire un tour sur le site du Centre de création chorégraphique Luxembourg (TROIS-CL), dont le programme est mis à jour régulièrement. On y trouve l’agenda des sorties de résidence des artistes (le 3 de chaque mois), ou des nouvelles créations qui donnent le pouls de la jeune scène chorégraphique internationale. C’est l’occasion d’échanger de manière informelle avec les artistes autour d’un verre après les shows.

 

Très belle saison de danse à tous !

 

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