Les cinq femmes puissantes de Laura Arend

par Marie-Laure Rolland

Non, elle n’est pas luxembourgeoise ! Lorsqu’on s’appelle Laura Arend, difficile d’échapper à la question. Dans un sourire, la danseuse et chorégraphe précise que c’est en voisine qu’elle est venue pour une résidence de deux semaines au Centre de création chorégraphique de Luxembourg (Trois-CL) afin de travailler sur Anna, sa nouvelle création.

Laura Arend est originaire de Forbach, ville où elle a fait l’apprentissage de la danse avant d’aller se former et butiner d’autres expériences ailleurs. Revenue depuis peu, elle est soutenue par le Carreau, Scène nationale de Forbach, partenaire du Trois-CL.

Sa silhouette filiforme suggère qu’elle est passée par l’école du ballet classique. Ce qu’elle confirme. Après Forbach, elle a pris en 2006 la direction du Conservatoire National Supérieur de Lyon. Une école de l’exigence où elle a rencontré Fanny, sa partenaire dans la création sur laquelle elle travaille au Trois-CL. Cap ensuite sur New York où elle a passé deux années, entre 2009 et 2011, dont six mois à l’école de Merce Cunningham Studio et trois mois au sein de son jeune ballet. « C’était une expérience incroyable physiquement. Il est extrêmement difficile de maîtriser sa codification du mouvement mais une fois que l’on y parvient, on a un réel contrôle de son corps. C’est enrichissant et épuisant. Après, j’ai vraiment eu besoin de respirer ».

Laura Arend s’envole en 2011 pour Israël où la scène de la danse est en pleine ébullition. Elle y passe sept ans au sein de la Kibbutz Contemporary Dance Company où elle s’initie à la fameuse technique gaga inventée par Ohad Naharin. Une révélation qui marque son parcours. «Cela m’inspire encore dans mon travail ».

Troisième escale

Anna est sa troisième création. Cette fois-ci, c’est en Allemagne qu’elle a cherché son inspiration, après l’Inde (Yama, 2016) et Israel (Five, 2017). Sa pièce est une évocation de cinq femmes allemandes remarquables dont certaines sont tombées dans l’oubli tandis que d’autres brillent encore au firmament : la compositrice Clara Schuman, la physicienne Lise Meitner, la jeune résistante Sophie Scholl, l’exploratrice Clarenor Stinnes, la chorégraphe Pina Bausch. « Ces femmes m’inspirent car elles n’ont pas eu peur de se dépasser. Leur force est un encouragement dans mon propre processus de création », confie Laura Arend.

Anna est-elle la pièce d’une chorégraphe féministe ? « Oui je suis féministe. Mais à ma façon. Je pense que l’on peut être féministe et féminine. Comme Pina Bausch par exemple qui a su mettre les femmes en valeur, leur côté séductrice. Nous devons avoir le droit au glamour, à la galanterie », dit celle qui ne cache pas une certaine gêne par rapport au débat actuel autour du mouvement #MeToo. « Je suis heureuse que la parole des femmes se soit libérée sur les réseaux sociaux mais je ne partage pas certains commentaires qui voient dans le regard posé sur soi une agression ».

« Anna » de Laura Arend (Photo: Lola Mino)

La résidence luxembourgeoise représente une étape intermédiaire dans son travail de création. Celui-ci compte cinq semaines de résidence au total.  c’est peu. Surtout pour un projet qui doit aboutir à une pièce de 50 minutes en évoquant cinq personnages différents. Aussi la chorégraphe a-t-elle peaufiné son travail en amont. « Je savais exactement ce que je voulais avant d’arriver ici. J’avais tout le matériel nécessaire en tête. Le plus complexe était de parvenir à mettre au point les transitions entre les différents volets de la chorégraphie. Le travail s’est déroulé de manière très fluide ».

Un constat partagé par sa partenaire sur scène, Fanny, dont la silhouette longiligne et les mêmes cheveux bruns et la ne se différencie guère de sa partenaire. A tel point qu’elles avouent elles-mêmes avoir parfois du mal à se différencier sur certaines photos.

Evocation

Ce jour-là, nous assistons à un extrait de la pièce. Dans le cube noir de la salle de répétition du Trois-CL, on découvre une scène dépouillée dont la scénographie minimaliste sème quelques indices pour le spectateur. La chorégraphie se déploie dans un style davantage suggestif que narratif. Quelques images fortes : la danse jumelée des femmes collées l’une derrière l’autre, ces roses blanches plantées dans des bouteilles déplacées au fil du récit, la danse bauschienne sur fond de musique d’orgue. Et une bande sonore qui fait le grand écart de la musique sacré à l’électro, non sans laisser sa place au silence, comme pour mieux faire résonner en nous l’esprit de celles auxquelles est dédié cet hommage.

Marie-Laure Rolland

 

Première le 17 avril 2018 à Micadanses Paris
6 au 29 juillet 2018 – Théâtre Golovine Avignon

 

 

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