La Glaneuse se veut une plate-forme ouverte aux échanges autour de la danse. C’est pourquoi nous ouvrons notre tribune à des invités qui peuvent s’exprimer sur une thématique intéressante pour alimenter le débat. Cette « Carte blanche » est signée par Nathalie Fontana, psychologue, art thérapeute, danse thérapeute, formée à l’autisme. Elle a mis sur pied différents projets à des fins thérapeutiques mais également sociales et inclusives. Dans ce texte, elle explique pourquoi la danse a sa place dans les prises en charge, les thérapies cognitives, sociales, développementales ou encore psycho-affectives.
Au coeur des processus cognitifs et sensoriels
Nous savons à quel point le fait de danser peut être un facteur stimulant, libérateur et ressourçant, mais savons-nous à quel point cette activité peut être une aide précieuse dans une approche thérapeutique ? J’ai envie de vous faire partager le regard de la thérapeute en m’appuyant sur des recherches neuropsychologiques sur l’effet de la danse mais également sur mes expériences personnelles.
Des études éprouvées ont montré l’importance de la musique dans les processus neuropsychologiques. Même si la littérature neuroscientifique traite plus des effets positifs de la musique que ceux de la danse, cet art majeur a prouvé son importance dans l’histoire humaine universelle.
Le fait de danser serait avéré depuis l’homo sapiens et aurait joué un rôle majeur notamment comme vecteur des habiletés sociales, avec la synchronie rythmique des corps par exemple.
Il a été constaté qu’avec des danses telle que le tango, le soutien thérapeutique à la remédiation de certaines affections neurologiques, comme la maladie de Parkinson, était très efficient.
Par ailleurs, une activité de danse collective activerait les neurones miroirs en favorisant l’apprentissage des conduites humaines bénéfiques à l’intégration sociale mais également en agissant sur la cognition en générale de l’individu. Elle favorise le schéma corporel propre et la prise de conscience du corps de l’autre.
Au cours de ces dernières années de nombreuses études se sont penchées sur le rapport entre la danse et le vieillissement cérébral ou pathologique. Earhart en 2009, Hackney et Earhart en 2010, ont ainsi pu prouver l’utilité de la danse comme moyen thérapeutique et préventif dans le traitement de maladie neurodégénérative, de la démence mais aussi dans le cas de vieillissement cérébral normal.
Kattenstroth & Al en 2011, ont montré qu’au-delà des effets sur l’équilibre, la posture et la marche, des danseurs amateurs réguliers tout comme des danseurs expérimentés ayant été professionnels durant de nombreuses années, ont non seulement des compétences supérieures du point de vue des constantes physiques mais également dans des tâches purement cognitives impliquant les domaines spatiaux, attentionnels et dans la logique non verbale.
Une démarche multi-tâches
Au niveau neurologique, la pratique de la danse faciliterait l’activation d’aires cérébrales habituellement sous-sollicitées lors du vieillissement. Par ailleurs, elle permettrait d’activer l’automatisation des processus conscients notamment au niveau des gestes et de fournir plusieurs ancrages favorisant l’évolution de ces mêmes gestes.
Le cerveau, lors d’un cours de danse, est confronté à des situations multitâches comme se concentrer sur ses pas tout en évitant les autres, suivre le rythme de la musique, utiliser un objet comme un vecteur (voile…), gérer les informations visuelles variées…
Ainsi plusieurs modalités sont exploitées : les modalités auditives, motrices, somato-sensorielles et la prise en compte de l’autre, soit comme partenaire soit comme interaction directe ou indirecte. Il est à noter que le geste répété peut permettre l’activation de neurones miroirs, et que lors de la synchronisation aux rythmes par exemple, ces mêmes neurones seraient en cause dans le mécanisme de l’empathie ou la reconnaissance des émotions d’autrui. Cela donne une dimension nouvelle dans le cadre de la prise en charge thérapeutique des personnes avec autisme.
Danser avec et au milieu des autres est un véritable facteur intégratif, mais aussi donc au niveau des performances cognitives. J’ai pu constater, dans certains de mes ateliers entre enfants valides et non valides, le développement des habiletés sociales et cognitives mais aussi une meilleure perception de soi et des autres, une amélioration de la communication et des comportements, ainsi qu’une baisse de l’anxiété. Ceci est particulièrement frappant chez des enfants porteurs d’autisme ou de retard mental.
Au-delà des aspects purement neuropsychologiques, la danse est un véritable vecteur d’expression de soi, de développement personnel et de créativité.
En conclusion, la danse dans le processus thérapeutique permettrait non seulement de mettre en jeu des phénomènes sensoriels, somatiques, visuo-spatiaux, sociaux et cognitifs, mais également serait bénéfique dans le mieux être général de l’individu et dans son rapport au monde.
Cet art majeur doit être remis aujourd’hui au milieu des processus thérapeutiques à sa juste place, pour découvrir ses apports encore non étudiés à ce jour.
Nathalie Fontana
Références bibliographiques:
– « Neuropsychologie et art » Hervé Platel, Catherine Thomas-Antérion, éditions De Boeck Solal
– « La danse dans le processus thérapeutique » Benoît Lesage, éditions Eres