Zoom sur la Tanzmesse 2018 (1) : biberons, cartons et pompons

par Marie-Laure Rolland

À l’heure d’internet, des vidéos youtube et des réseaux sociaux, à quoi peut bien servir une manifestation comme la «Tanzmesse – Foire internationale de la danse» de Düsseldorf ? Du 29 août au 1er septembre y sont réunis des danseurs, chorégraphes, producteurs, représentants d’institutions culturelles venus du monde entier. J’ai décidé d’accompagner la délégation luxembourgeoise et d’aller découvrir sur place cette vitrine internationale de la danse contemporaine.

Luxembourg-Düsseldorf

Mercredi 29 août. Après quatre bonnes heures de route, le véhicule loué par la Theaterfederatioun et le Centre de création chorégraphique (Trois C-L) arrive vers midi à Düsseldorf. À son bord, une partie du «casting» du stand luxembourgeois à la Tanzmesse. Simone Mousset aura l’occasion de présenter le 31 août un extrait d’une nouvelle pièce en création, The passion of Andrea 2, lors d’un Open Studio. Elle est venue en famille avec sa petite fille de six mois dont va s’occuper son conjoint. Catarina Barbosa et Baptiste Hilbert aussi sont à bord. Ils sont programmés le 31 août pour une session de pitch de leur spectacle With my Eyes, créé en 2016. L’objectif: intéresser des programmateurs afin de diffuser ces pièces sur la scène internationale.

Dans un autre véhicule conduit par le directeur artistique du Trois C-L, Bernard Baumgarten, a pris place la danseuse et chorégraphe Jennifer Gohier, elle aussi avec son bébé de trois mois.  Elle ne présente pas de pièce mais fait partie des six chorégraphes représentés à Düsseldorf au stand Dance from Luxembourg. Anne-Mareike Hess et Jill Crovisier arriveront de Berlin. Léa Tirabasso de Londres.

Avant le départ, chacun est mis à contribution pour charger les cartons de documentation sur la danse au Luxembourg, les boissons… sans oublier les biberons.

Une partie du casting de « Dance from Luxembourg » (photo: La Glaneuse)

La course aux billets

Le NRW-Forum, qui jouxte le Rhin dans le centre-ville de Düsseldorf, est l’un des épicentres de la Tanzmesse. C’est là que sont réunis les 120 stands qui exposent le travail de quelque 500 compagnies venues de 40 pays. C’est là aussi que se trouve la bourse d’échange des billets d’accès aux 50 spectacles ou performances programmés durant les quatre jours de la manifestation. Les habitués de la Tanzmesse ont pris leurs places dès l’ouverture des réservations sur internet. Comme il s’agit d’une première pour moi, j’ignorais cette contrainte. Nombre de spectacles que j’aurais aimés voir sont sold out. Je vais tenter ma chance sur place.

Sur la terrasse devant le NRW-Forum, je partage ma table avec Gun Lund et Lars Persson, un couple de chorégraphes suédois. Ce sont des habitués de la Tanzmesse depuis la première édition en 2002. Ils observent que les programmateurs s’y font plus rares. En Suède, pas facile pour les chorégraphes de trouver des producteurs. La plupart  des artistes doivent réserver à leurs frais les salles de représentation.

J’obtiens un ticket pour la visite de l’École de ballet de l’Opéra de Düsseldorf. Cette infrastructure impressionnante localisée dans le sud de la ville compte cinq studios dotés des dernières technologies, des salles de gym et de physiothérapie, des cabines pour se reposer, un sauna ou encore une pièce d’essayage des costumes et de teinture des chaussons de danse.

Le grand studio de l’école de Ballet de l’Opéra de Düsseldorf (photo: La Glaneuse)

De la Suisse au Pays basque en passant par Macau

Sur place, je peux assister au spectacle Still Motionde la chorégraphe suisse Anna Anderegg. Cette pièce minimaliste fait une forte impression. Cinq grands écrans, une installation sonore et une danseuse nous font entrer dans un univers mystérieux au cœur duquel se joue une dramaturgie insoupçonnée. En toile de fond, du béton brut s’anime sous le jeu des mouvements de la caméra tandis que la spatialisation du son atmosphérique oriente les regards vers les différents écrans. La danseuse, de dos, vêtue d’un short et d’un blouson à capuche, semble faire partie intégrante de cet environnement sur lequel ses gestes, lents et stylisés, viennent se détacher. 30 minutes de grand spectacle.

Dans la navette qui me ramène au centre-ville, discussion avec Mary Wong, une chorégraphe et productrice venue de Macau. Surprise: elle connaît un peu le Luxembourg pour y avoir une amie portugaise. La danse contemporaine est encore balbutiante dans sa ville qui compte 700.000 habitants et vit principalement de l’industrie des jeux. «Du coup, les gens s’intéressent peu aux spectacles vivants», regrette-t-elle.

Il n’y avait plus de place le soir pour l’un des highlights de la Tanzmesse, les pièces 6 & 7 du Tao Dance Theater. Qu’importe, j’ai déjà eu l’occasion de voir la compagnie au Grand Théâtre de Luxembourg. Ce sera l’occasion de découvrir la compagnie basque Kukai Dantza qui présente au théâtre du Capitol Oskara.

Cinq danseurs sous la direction de Marcos Morau déploient une chorégraphie très originale, à la fois narrative et symbolique, qui convoque le folklore basque dans une technique néo-classique virtuose. La mort d’un homme est le catalyseur qui déclenche des souvenirs et évocations oniriques, avec en toile de fond une culture à la fois exaltante et répressive. Pompons accrochés aux chaussettes de laine,  dentelles aux parures des chevaux de carton, personnages monstrueux faits de paille, joueurs de pelote basque, cadavre et chanteur esseulé se croisent dans cette folle épopée menée et exécutée de main de maître.

Marie-Laure Rolland

 

Lire aussi le deuxième volet de notre reportage à la Tanzmesse en cliquant ici.

 

Ce reportage a été réalisé avec le soutien du programme du Fonds Culturel National d’aide à la mobilité internationale pour les professionnels des médias luxembourgeois.

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