Cette pièce n’est pas spectaculaire mais elle vient de remporter le Grand prix de la critique en France. Le public du Grand Théâtre de Luxembourg a pu découvrir Finding Now de l’Américain Andrew Skeels. Une proposition au carrefour du hip hop, de la danse contemporaine et de la musique baroque qui séduit par la symbiose créée entre les cinq interprètes.
Associer musique baroque et hip hop n’est pas inédit. Que l’on pense aux Paladins ou à On danse signés par José Montalvo et Dominique Hervieu en 2004 et 2005 sur la musique de Jean-Philippe Rameau. 14 ans plus tard, avec Andrew Skeels, l’heure n’est plus aux expérimentations débridées de ses aînés. Le hip hop s’est assagi pour se fondre dans un style contemporain canalisé par la musique baroque. Cela dans un cube noir sans accessoire. Seuls quelques parties solos dansées par les hommes – Hugo Ciona, Tom Guichard, Nicolas Grosclaude – reviennent explicitement à la technique de la danse urbaine. Cela nous vaut en particulier une très belle variation sur la première suite pour violoncelle de Bach. L’émotion naît du décalage entre la transcendance de la musique du maître baroque et un langage chorégraphique puissamment ancré dans le sol.
Dans Finding Now, le chorégraphe met en scène Purcell, Bach, Haendel, Albinoni et Scarlatti, avec une digression romantique du côté de Tchaikovsky. Les voix et chœurs de la musique font écho aux corps qui évoluent sur scène dans une certaine lenteur, parfois même solennité. Les danseurs déploient un langage dont l’originalité tient au travail sur le haut du corps. Les bras et les têtes s’entremêlent, s’enlacent et se dénouent dans des combinaisons simples ou savantes, évidentes ou surprenantes, parfois même cocasses.
La danse d’Andrew Skeels est une danse-contact où les mouvements des interprètes sont pratiquement en permanence dans l’interaction et la connexion. Cela se joue dans une dynamique fluide où affleure une sorte de bienveillance soulignée par le jeu des lumières chaudes et enveloppantes. Comme si le baroque avait le pouvoir d’apaiser les tensions ou agressions d’un environnement urbain qui est l’ADN du hip hop. Les séquences de tomber/rattraper, interprétées avec le plus grand naturel par les deux danseuses Mellina Boubetra et Hugo Noémie Ettlin, soulignent cet état de symbiose charnelle et émotionnelle entre les danseurs.
S’il est un bémol à mettre à la pièce, il est dans le choix de la musique. Convoquer les plus grands chefs-d’œuvre baroques et les aligner les uns derrière les autres apparaît à la longue comme un chemin un peu trop balisé, d’autant que la playlist réunit des pièces offrant peu de ruptures rythmiques. L’alternance des solos, duos, trios ou mouvements d’ensemble est plutôt convenue. Elle ne parvient pas vraiment à faire naître une dramaturgie soutenue entre les images fortes du tableau initial – qui débute avec les danseurs allongés au sol – et du tableau final – qui s’achève avec les danseurs debout portant à bout de bras l’une des danseuses.
Marie-Laure Rolland