La vie en « Stéréo » de Philippe Decouflé, entre fun et fougue

par Marie-Laure Rolland

Il y a des spectacles dont on ressort reboosté et la banane aux lèvres. Ce n’est pas si fréquent en danse contemporaine.  Il faut dire qu’après plus de 40 ans de carrière, Philippe Decouflé n’a plus rien à prouver.

par Marie-Laure Rolland

Et si le meilleur « argument » d’une pièce de danse était de ne pas en avoir ? Si le chorégraphe ne cherchait pas à montrer ceci ou cela, à avoir une arrière-pensée critique en tête pour édifier le public, bref s’il se contentait de laisser libre court à son intuition, son envie de surfer sur une vibration et d’y inviter des complices capables de porter la vague le plus loin possible, en embarquant le public ?

Sans doute faut-il, comme Philippe Decouflé, avoir roulé sa bosse depuis plus de 40 ans et n’avoir plus rien à prouver pour y parvenir. Le public du Grand Théâtre de Luxembourg a pu en prendre la mesure récemment. On retrouve dans Stéréo la ligne claire de celui qui s’était fait connaître du grand public en 1992 pour avoir chorégraphié la cérémonie des Jeux Olympiques d’Albertville, avec son humour décalé, le soin apporté à la bande son et à l’univers visuel, un art d’interpeler le public. Mais le maître des subterfuges poétiques très contrôlés choisit cette fois de laisser de côté la vidéo et de libérer franchement les énergies. Il n’est pas le seul à avoir ressenti cette urgence en période post-covid (la pièce a été créée en 2022 au Festival Montpellier danse).

Vibrations

Stéréo est un spectacle musical rock dansé. La musique est interprétée live par trois musiciens, parmi lesquels la fille du chorégraphe (Louise Decouflé à la basse, Arthur Satàn à la guitare, Romain Boutin à la batterie). Six interprètes s’invitent sur leur bande son qui fait la part belle à pas mal de tubes allant des Beatles (Oh Darling, Tomorrow Never Knows) à Queens of the Stone Age (Long Slow Goodbye) en passant par Roxy Music (In Every Dream Home a Heartache) et les Beach Boys (Surf’in USA). Les interventions drolatiques de l’acteur Baptiste Allaert, maître de cérémonie qu’on découvre aussi danseur ou claviériste, font le liant et mettent le public dans sa poche.

La joyeuse bande d’interprètes a plus d’une corde à son arc. Ils sont danseurs classiques ou de hip hop, acrobates ou acteurs, mais peuvent aussi chanter ou prendre la place d’un musicien. On retrouve en particulier les danseuses multidisciplinaires Violette Wanty et Olivia Lindon ou encore la hip-hopeuse Elea Ha Minh Tay, toutes vibrantes d’une forte présence scénique que viennent sublimer leurs costumes (signés Philippe Guillotel) upcyclés d’une garde-robe disco – entre tuniques en strass, combinaisons de cuir ou latex, pointes ou chaussures plates-formes.

Cela crée un flux bondissant, coloré, déjanté, glamour, énergétique, contenu dans les lignes de la superbe scénographie d’inspiration Bauhaus signée d’un autre fidèle de la compagnie, Jean Rabasse. Ses structures d’acier mobiles sur lesquelles sont fixés des vitraux de couleurs changeantes sculptent un espace baigné d’atmosphères mouvantes, au creux desquelles les interprètes jonglent avec leurs corps. Même pour le public, ça décoiffe !

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