Avec Seppe Baeyens : drôles d’oiseaux à Bonnevoie

par Marie-Laure Rolland

Faire PARTICIPER le public aux spectacles : tel est le nouveau mantra sur la scène des arts vivants pour tenter de démocratiser une offre artistique jugée par certains trop coûteuse ou élitiste. L’exercice est loin d’être simple. Avec le projet Birds, le chorégraphe Seppe Baeyens relève allègrement le défi. J’en ai fait l’expérience place Léon XIII dans le quartier de Bonnevoie à Luxembourg.

par Marie-Laure Rolland

Pourquoi l’alchimie a-t-elle pris ce jour-là ? Peut-être un alignement des planètes : une météo clémente, des interprètes inspirés, un public réceptif… Il y avait une atmosphère légère et un peu survoltée ce jour-là, avant que les orages n’éclatent le soir. Mais le succès de Birds tient surtout à l’intelligence de la démarche chorégraphique de Seppe Baeyens, à la capacité de son équipe à transformer des individus isolés en corps collectif, réactif et sensible.

Recomposition

Il faut une bonne dose d’humanité, de générosité mais aussi de charisme pour cela. Un matériau que le chorégraphe puise au cœur du quartier multiculturel de Molenbeek, près de Bruxelles, où il tient chaque samedi matin l’Atelier Quartier ouvert à tous, professionnels ou amateurs. Tous les trois ans, des volontaires partent en tournée inviter un plus large public dans leur danse.

Cette fois, l’équipe a donné rendez-vous place Léon XIII, devant l’église du quartier de Bonnevoie vidée des SDF qui y zonent habituellement. S’y trouvent à 15 heures des personnes assises à l’ombre des arbres. D’autres traversent la place à la recherche du meilleur spot pour assister à la représentation. Un musicien bidouille son système son. Une hôtesse des Rotondes, institution qui a invité les artistes, veille discrètement sous son parasol.

Il n’y a pas vraiment de début à ce spectacle. Progressivement s’instaure un doute, né de regards, de gestes insolites. Des « infiltrés » de tous âges, couleurs, silhouettes, style vestimentaire, se dévoilent progressivement à travers des trajectoires qui se chargent de sens. Leurs bras en V viennent inviter l’un ou l’autre spectateur à les suivre. Puis c’est tout le public qui se met en mouvement dans une même dynamique.

Le flux s’active insensiblement, nous plonge au cœur d’un processus de création collective, telles ces nuées d’oiseaux qui sculptent le ciel de leurs ballets aériens. La marche se fait course, les pas deviennent sauts, les bras s’élèvent, la masse se dissocie en groupes qui interagissent en joyeuses joutes, au rythme des pulsations sonores où se mêle électro et percussion live. Des formes naissent et se dispersent, en vibrantes métamorphoses.

Birds nous fait sortir de notre zone de confort, nous entraîne dans la joie d’une rencontre dansée coécrite en commun. Tout cela est à la fois très encadré et très libre, simple et beau. Et cela fait du bien.

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