Faut-il ou non un Ballet au Luxembourg ? La question est récurrente mais la réponse n’est pas à l’ordre du jour de la politique culturelle. Heureusement pour le public, il existe des partenariats transfrontaliers comme celui mis sur pied par le Kinneksbond de Mamer avec l’Orchestre de Chambre du Luxembourg et le Ballet de l’Opéra de Metz-Métropole. C’est ainsi que l’on a pu découvrir une pépite créée à Metz en avril dernier : Le Petit Prince.
Le spectacle séduit à tous égards. Le voyage cosmique et initiatique du petit héros qui a enchanté des générations d’enfants est simplifié par rapport au livre d’Antoine de Saint-Exupéry. Il y reste néanmoins fidèle par le côté ingénu du personnage principal (interprété par le juvénile et tonique Rémy Isenmann), la poésie des rencontres, la magie du décor.
Douze danseurs sur scène, mais aussi 26 musiciens sous la direction d’Aurélien Azan Zielinski dans la fosse d’orchestre, composent cette pièce en forme de comédie musicale sur une partition spécialement créée par le Messin Thomas Roediger.
Les couleurs sonores des différents instruments soulignent les personnalités, à la manière de Prokofiev dans Pierre et le Loup, tandis que la mélodie fait varier les ambiances en fonction des planètes où atterrit le petit voyageur. On y entend des tonalités orientales, de bal musette, mais aussi du chant lyrique et des swings de musical. Le registre n’est ni urbain ni contemporain dans ce conte atemporel dont les séquences s’enchaînent à un rythme suffisamment soutenu pour conserver, durant une soixantaine de minutes, l’attention du jeune public – les plus petits ont quand même du mal à rester attentif jusqu’au bout.
Un espace-temps élargi
La scénographie de Pénélope Bergeret est très réussie. De grands panneaux structurent le haut de la scène tout en servant de support à des rangées de fils qui encadrent l’action. Ces parois fluides élargissent l’espace entre l’ici et l’ailleurs, tout en floutant les entrées et sorties de personnages. Elles permettent aussi de jouer avec les ambiances lumineuses signées Patrice Willaume, dans des tonalités pastel un peu plus soutenues que les dessins de Saint-Exupéry.
De gros ballons suspendus au plafond figurent les planètes du voyage initiatique du Petit Prince mais peuvent aussi devenir des instruments de jeu, à côté d’une planche à roulettes électrique, d’un manège ou d’un vélo que le héros croise sur son parcours, quand ce ne sont pas des baobabs, un géographe ou un allumeur de réverbères.
Les costumes de Valérian Antoine et Brice Lourenço sont à l’unisson. Si les créateurs laissent la part belle à leur imagination pour habiller les personnages du conte (avec une mention spéciale pour les roses, les oiseaux et le serpent), ils ne touchent pas à la sacro-sainte tenue vert-pomme et à l’écharpe jaune du petit héros.
La chorégraphie signée Martin Harriague, entre néo-classique et jazz, n’est ni révolutionnaire ni tape-à-l’œil. Elle sait se mettre, avec simplicité, au service d’une histoire et de ses personnages. Pourquoi faudrait-il en faire plus ?
Last but not least, il faut souligner la performance des danseurs du Ballet qui doivent sortir de leur zone de confort et chanter. Cela n’a rien d’évident pour une compagnie qui n’est pas spécifiquement formée à la comédie musicale. Certains interprètes surprennent même par leurs très belles qualités vocales qui pourraient laisser penser qu’il s’agit de chanteurs qui dansent.
Finalement, le seul regret est que Le Petit Prince n’aura franchi les frontières que le temps de deux représentations au Luxembourg. Pour une production de cette qualité et de cette ampleur, c’est trop peu.
Marie-Laure Rolland