Plate-forme AWA : cap sur 2020

par Marie-Laure Rolland

Contrat rempli pour les organisateurs de AWA, la plate-forme européenne pour la jeune création chorégraphique. La première édition a montré que le concept fonctionnait à la satisfaction des participants. Les partenaires ont d’ores-et-déjà annoncé leur intention de poursuivre l’expérience avec une nouvelle édition dans deux ans.

«Pour une première, c’est une réussite ». A l’issue de la soirée de spectacles au Kinneksbond de Mamer samedi 1er juin 2018, le directeur Jérôme Konen n’a pas manqué de féliciter Catarina Barbosa et Baptiste Hilbert. « Le concept va se développer sur base de cette expérience. On va laisser décanter tout cela et en rediscuter dans la quinzaine !»

Même avis positif du côté du Centre de création chorégraphique du Luxembourg (Trois C-L), qui accueillait à la Banannefabrik de Luxembourg-Bonnevoie une partie des ateliers de formation. Pour le directeur Bernard Baumgarten, « c’est une initiative à poursuivre, en trouvant néanmoins une date mieux adaptée car le début du mois de juin est vraiment trop chargé ».

Learning by doing

Si l’intitulé de « plate-forme européenne pour la jeune création chorégraphique » peut paraître surfait compte-tenu des moyens encore modestes de l’événement, au moins présente-t-il l’intérêt de fixer un cap.

Les organisateurs n’auront pas eu le temps de chômer : quatre workshops chaque matin pour danseurs amateurs et professionnels (en deux endroits différents), mais aussi une soirée de six spectacles dont une création avec neuf jeunes talents sélectionnés en partenariat avec la Confédération nationale de la danse et finalement une rencontre ouverte à tous au Trois C-L pour discuter du métier de danseur.

Des workshops pour amateurs ou professionnels ont été organisés dans le cadre de la plate-forme AWA (photo: Pedro Barbosa)

Il aura fallu ajuster en dernière minute le programme en raison de l’absence de l’Anglais James Finnemore, coincé à Londres. Gérer aussi en un temps record le volet technique de toutes les pièces présentées au public – ce qui s’est surtout ressenti au niveau des jeux de lumières,  parfois problématiques.

Le public ne s’en est pas formalisé. Il faut dire que les organisateurs avaient su d’emblée, lors de l’introduction à la soirée, instaurer une atmosphère bon enfant avec le public en mettant cartes sur table: «Nous ne sommes pas des organisateurs d’événements. Nous sommes débutants en ce domaine. Notre envie est de rapprocher les mondes de la danse professionnelle et amateur. C’est ce qui nous a poussé à créer cette plate-forme », a expliqué le danseur et chorégraphe Baptiste Hilbert.

A la sortie du Kinneksbond, le public avait le sourire en cette chaude soirée de printemps. Ambiance décontractée sur le parvis avec beaucoup de jeunes danseurs et chorégraphes professionnels qui avaient participé aux cours du matin, des jeunes filles ayant dansé dans la création de Catarina Barbosa, leurs familles, et plus généralement un public de curieux venus prendre le pouls de cette nouvelle initiative.

La voie de l’excellence

La programmation de la soirée de samedi n’avait pas de fil rouge évident, si ce n’est le mélange de pièces dansées par des amateurs, des jeunes en voie de professionnalisation et des professionnels. Peut-être la prochaine édition pourra-t-elle structurer davantage cette soirée de spectacles, en réfléchissant par exemple à une thématique qui permettrait aussi une interaction avec le public qui ne participait pas aux workshops?

La soirée s’est ouverte sur la pièce créée en un mois par Catarina Barbosa avec un groupe de jeunes danseuses âgées de 11 à 21 ans. Cette proposition de danse contemporaine joue sur les relations de l’individu au groupe. Un schéma simple, net et bien exécuté dans des mouvements le plus souvent à l’unisson. Qui sait si l’une de ces danseuses n’aura pas envie d’explorer plus loin cet univers?

Une création de Catarina Barbosa avec des jeunes danseuses du CND Luxembourg (photo: Pedro Barbosa)

Un peu plus tard, c’est Catarina Barbosa qui était elle-même sur scène dans la reprise du solo créé aux Emergences en 2017 et chorégraphié par Baptiste Hilbert, With my Eyes. Si le propos mériterait d’être davantage développé, la performance de la danseuse révèle sa technique, sa souplesse et sa présence scénique.

En l’absence de James Finnemore, sa partenaire la Française Pauline Raineri – une ancienne du Ballet Junior de Genève comme Catarina Barbosa et Baptiste Hilbert – a présenté un solo très introspectif.  Souvent dos au public ou de profil, elle semble exprimer son angoisse de se retrouver sous les spotlights, cela notamment par ses jeux de main et de buste. Pour une plate-forme qui thématise la vie d’artiste, voilà une contribution intéressante (traitée d’ailleurs récemment aux Emergences par le Luxembourgeois Georges Maikel Pires Monteiro dans !Maki ?!)

Les 11 danseurs en voie de professionnalisation de Art Factory International nous ont présenté Stamping, une création d’Eduardo Torroja inspirée par deux pièces du Belge Wim Vandekeybus, que l’on ne se rappelle pas avoir déjà vu au Luxembourg. Stamping est une succession de sauts et de roulades au sol extrêmement physiques, rapides et sollicitant une haute précision. Le métier de danseur est aussi une prise de risque…

« Murky Depths » de Edouard Hue sur scène avec Noëlle Quinet (photo: Philippe Weissbrodt)

On a beaucoup aimé Murky Depths, de Edouard Hue sur scène avec Noëlle Quinet. La première partie dansée au ralenti, sans musique, est sublime de connivence entre les interprètes. Ils évoluent en symbiose comme dans une bulle hors du temps, sous le rond de lumière tombant du plafond.

Enfin, la véritable révélation de la soirée aura été Rule of Thirds de la compagnie portugaise Antõnio Cabrita et São Castro, invitée grâce au soutien du Centre Camões Luxembourg. Alors que la Philharmonie et le Mudam se sont au fil des ans de plus en plus ouverts à la création artistique portugaise, on en vient à penser qu’il serait temps d’en faire autant du côté de la danse.

Même si la pièce n’était pas dans sa version originale, on aura découvert un langage et un propos chorégraphiques tout à fait intrigants. Les interprètes, remarquables de maîtrise corporelle et d’expressivité, apparaissent et disparaissent, interagissent ou s’ignorent en nous laissant en permanence dans le doute. A tel point que l’on est surpris de découvrir au moment des salutations qu’il n’y a que quatre danseurs, quand on en avait imaginé plutôt cinq. A chacun d’interpréter à son gré les petites scénettes qui se succèdent jusqu’au point de suspension final.

 

Pour tous les danseurs présents, cette pièce en conclusion de la soirée aura clairement indiqué la voie de l’excellence!

Marie-Laure Rolland

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