Une nouvelle étape pour la Junior Company CND Luxembourg

par Marie-Laure Rolland

Avec six pièces à son répertoire en trois ans, la compagnie a bien pris son envol. La nouvelle création, réalisée sous la direction d’Elisabeth Schilling pour les 10 ans du CND Luxembourg, va partir en tournée.

par Marie-Laure Rolland

Quel chemin parcouru ! Et les choses ne vont pas s’arrêter en si bon chemin puisque la Junior Company sera à l’affiche du programme YDance au théâtre Tramway de Glasgow, du 11 au 13 juillet prochain, aux côtés de la National Youth Dance Company of Scotland et du Jugendtanzensemble d’Allemagne.

Fin 2020, j’avais rencontré la présidente du Centre National de la Danse (CND) Luxembourg, Marie-Laure Neiseler, qui m’avait parlé de l’ambition de créer une Junior Company. Son objectif : « mettre sur pied un environnement de pré-professionnalisation » pour les jeunes danseurs les plus talentueux, sélectionnés sur concours. Trois ans plus tard, l’ensemble compte sept danseurs, six filles – Elisa Mergen, Alissia Parracho, Ilenia Defendi, Lou Thomé, Emily Massaro, Emily Karmolinski – et un garçon. Lev Babych, âgé de 16 ans, est originaire d’Odessa où il s’est formé à la danse classique et de caractère. Il est arrivé au Luxembourg après le déclenchement de la guerre en Ukraine mais n’a pas été admis à intégrer le Conservatoire, faute de pouvoir passer les examens d’histoire de la danse. Il a heureusement trouvé asile chez Danse Elancé. C’est un gamin qui a le feu de la passion et le talent qui donne des ailes. Son envie brûle les planches et vient challenger ses partenaires.

Répertoire

Aujourd’hui, la Junior Company affiche six pièces à son répertoire. Elles sont signées par Grant Aris (Timeless Poetry en 2021), Jill Crovisier (ONNANOKO – Traces of young Women en 2021 et MAHALAGA Landscapes en 2022), Lea Tirabasso (The Chain en 2024) et Elisabeth Schilling (All d’Déieren aus dem Bësch en 2021 et Der Traum en 2024). Le niveau d’exigence n’est bien sûr pas celui de compagnies professionnelles mais la capacité du groupe à intégrer une telle diversité esthétique et technique est tout à fait remarquable.

La soirée organisée au Théâtre d’Esch dans le cadre des 10 ans du CND Luxembourg, le 29 mars, a permis de revoir ONNANOKO, « une pièce qui fait partie de l’ADN de la Junior Company », dit Marie-Laure Neiseler. Cette pièce a beaucoup tourné depuis sa présentation en 2021 lors de la plate-forme AWA, puis dans le cadre de Esch 2022 Capitale européenne de la Culture. «Elle fonctionne aussi bien en format solo qu’en grand ensemble», observe Jill Crovisier qui aime confronter son langage chorégraphique à différents corps et configurations. A Esch, la pièce était dansée par quatre interprètes. Très écrite, elle est portée par la dynamique de mouvements à l’unisson, la géométrie des trajectoires reliées les unes aux autres par des fils invisibles, les petits pas heurtés, les mouvements décomposés, et l’on sent déjà la tension du formatage qui guette ces jeunes femmes au sortir de l’adolescence, leur capacité à faire bloc en même temps que le risque de leur effacement individuel.

La Junior Company CND Luxembourg dans « Onnanoko » de Jill Crovisier (Photo: JC)

Bain de jouvence

Le style de Der Traum est très différent, tout comme la manière de procéder d’Elisabeth Schillling pour créer ses pièces. «C’était la première fois que les danseurs partaient d’une page blanche. Ils ont dû réfléchir à ce qu’ils voulaient exprimer, mais aussi de quelle manière. C’était un très gros défi et un énorme travail qu’ils ont dû faire à côté de leur parcours scolaire, de leur préparation au concours du CND et de la création avec Léa Tirabasso pour la plate-forme AWA», explique Marie-Laure Neiseler sans cacher son admiration pour l’engagement de ces jeunes.

Difficulté supplémentaire : il n’y avait pas de matériau sonore au début du processus de création chorégraphique. La musique de la pièce a été composée par le Luxembourgeois Pit Dahm parallèlement au travail dirigé par Elisabeth Schilling. On retrouve dans cette création pour instruments acoustiques les influences et couleurs de la musique française – Debussy, Darius Milhaud – remixées dans une vibration contemporaine.

A quoi rêvent nos jeunes danseurs ? On les voit traverser différentes atmosphères, parfois étranges voire effrayantes, souvent légères et drôles – comme lorsqu’ils batifolent costumés en poisson ou en jaune d’œuf dans des costumes signés Manuela Giacometti. Ils s’approprient avec conviction ces différents espaces, à travers un registre gestuel éclectique qui varie du contemporain au néo-classique.

Ce qui frappe est le caractère juvénile, par moment enfantin de leur proposition. Comme si le rêve autorisait ces ados à sortir de l’injonction qu’ils ont de devenir adulte pour se  replonger avec curiosité dans le cocon insouciant de l’enfance. On pouvait penser leur imaginaire colonisé par les stéréotypes qui écrase une certaine fantaisie sur les réseaux sociaux. Eh bien à voir cette pièce, nous voilà détrompés !

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