Avec Giovanni Zazzera,  tomber n’est pas chuter

par Marie-Laure Rolland

Le chorégraphe Giovanni Zazzera signe avec Avec Until you fall sa pièce la plus ambitieuse à ce jour. Cinq danseurs sont sur scène pour cette exploration de la chute, une malédiction qui poursuit l’homme depuis les temps bibliques de sa création. Plutôt que d’en pleurer, le chorégraphe a choisi de s’en amuser.

“It’s hard. It’s painfull. I am a sensitive person”. Accroché au cou de son compagnon qui le tient dans ses bras, le danseur Alexandre Lipaux avoue d’une petite voix enfantine sa peur de tomber. Lui qui a frôlé le ciel avec les étoiles de la danse classique, il veut à tout prix éviter de ramper sur le sol poussiéreux de la danse contemporaine. Mais comme il ne tient pas en place, cela déclenche des acrobaties drolatiques autour du corps musculeux de l’impassible Hayato Yamaguchi.

Cette scène, que l’on découvre au début de la pièce, donne la tonalité et le parti pris de Giovanni Zazzera. C’est une leçon de philosophie un peu particulière qu’il nous propose là. Un discours de la méthode humoristique, décalé, où l’on peut exprimer avec légèreté des choses sérieuses. Or qui mieux qu’un danseur contemporain peut nous parler de la chute ? Après tout, tomber est au cœur de cette discipline artistique qui en a fait tout un art. Savoir chuter est précisément ce qui élève l’artiste, au risque de son corps comme de sa sensibilité.

La scénographie signée Dagmar Weitze souligne le côté ludique de l’exercice : une table amovible sur laquelle roule une balle de tennis, une bascule, un vide-ordure, des petites plaques de bois à effet domino. Les trouvailles et les surprises sont au rendez-vous, que chacun pourra interpréter selon son vécu.

Giovanni Zazzera: « Until you fall » (photo: Baptiste Hilbert)

Sur le côté, le multi-instrumentiste Nikola Jeremic s’en donne lui aussi à cœur joie – au risque parfois de saturer l’atmosphère par ses effets de boucle – en colorant les scènes avec ses sons de guitare, d’accordéon, de percussions ou d’installation électro-acoustique.

Un fil élastique

Until you fall se décline en une heure à travers une succession de séquences qui explorent les différentes manières de tomber. Non seulement physiquement mais aussi métaphoriquement. Seul regret : le chorégraphe s’est davantage concentré sur le terme « tomber » que sur la thématique de la chute, qui justifiait à elle seule un projet chorégraphique. Il introduit par exemple une séquence sur le fait de « tomber amoureux », cela à travers un personnage incarné par Catarina Barbosa qui avait commencé – lors d’une scène aussi drôle que spectaculaire – par « tomber bien bas ».

Ce choix brouille le message, d’autant que la chorégraphie mise en partie sur l’improvisation, sans langage gestuel dominant. Orchestrer tout cela impose une extrême rigueur dans la direction des danseurs, une exigence qui n’est pas évidente à maîtriser – Giovanni Zazzera a été distingué par le Lëtzebuerger Danzpräis en 2013 pour son parcours de danseur mais il est encore un jeune chorégraphe.

Ainsi, l’interaction entre les personnages fonctionne bien dans une première partie, en partant du duo jusqu’au quintet (où l’on verra aussi Valentina Zappa et William Cardoso), avec une alternance d’entrées et de sortie bien rythmée.  À mesure que la pièce avance, la dynamique tend à se relâcher avec des séquences qui laissent certains danseurs sur le côté en position de spectateurs un peu trop passifs.

Après la première au Mierscher Kulturhaus, Giovanni Zazzera a deux semaines de résidence au Théâtre d’Esch avant de la rejouer les 8 et 9 novembre 2019. Il a déjà là tout le potentiel pour nous faire tomber des nues !

Marie-Laure Rolland

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