De Kader Attou à Blanca Li : le hip-hop fait salon

par Marie-Laure Rolland

C’est très tendance en ce moment:  mixer la danse hip-hop et la  musique classique. Quelques jours après le Break à Mozart de Kader Attou au Kinneksbond, on a pu découvrir Elektrik de Blanca Li au Studio du Grand Théâtre. Dans cette battle, c’est la chorégraphe espagnole qui raffle la mise.

Voici pourquoi.

La musique 

Kader Attou met les gros moyens dans Un Break à Mozart. La pièce a été créée en 2016 avec dix musiciens de l’Orchestre des Champs-Elysées présents sur scène. Rien à dire au niveau technique. Ce qui convainc moins est le choix de la musique: le Requiem  et Don Giovanni de Mozart en version sautillante pour orchestre à cordes, c’est beaucoup moins puissant et cela ne prend pas autant aux tripes que la version orchestrale. Un enregistrement aurait tout aussi bien fait l’affaire. Quelques interludes électro viennent, de temps à autre, retendre l’atmosphère. Mais la balance manque de tonus.

La bande-son de Elektrik, une pièce créée en 2018, alterne les séquences de musique baroque remixée – Bach, Vivaldi, Scarlatti – et d’électro – Tao Gutierrez, NGLS JMBEATS. La rythmique baroque dialogue mieux avec le hip hop que le classicisme de Mozart. L’alternance des genres est ici bien dosée. Le courant de tension reste branché du début à la fin.

Les danseurs

Dix pour un Break à Mozart. Huit pour Elektrik. Cela donne un avantage à Kader Attou. Manque de chance, son équipe n’était pas au top de sa forme lors de son passage au Kinneksbond de Mamer. Cela s’est ressenti au niveau de la coordination et de l’engagement sur scène.  Il est temps pour les danseurs de faire un break en cette fin d’année !

Les danseurs de Blanca Li de leur côté étaient au top, tant par leur extraordinaire performance physique que par leur présence scénique. Leur énergie est montée crescendo tout au long du spectacle jusqu’à complètement électriser la salle dans les Encore.

On note que chez l’un comme chez l’autre, le casting est entièrement masculin. Un choix assez conventionnel,  heureusement compensé par une palette de personnalités et de talents très éclectiques chez Blanca Li.

La chorégraphie

Kader Attou, qui vient de la scène du hip-hop, ne cherche pas vraiment à jouer avec les codes de cette discipline. Son spectacle est construit autour de l’ensemble des danseurs. Cela nous vaut quelques séquences très réussies. Les  interprètes semblent parfois ne faire plus qu’un seul corps. Malheureusement, son langage chorégraphique est comme corseté dans cette version mozartienne qui étouffe les énergies. Le hip-hop y fait salon devant une audience sagement assise dans ses confortables fauteuils.

Kader Attou :  » un « Break à Mozart 1.1  » (photo : Xavier Leroy)

Blanca Li, qui vient de la danse moderne et contemporaine et que l’on avait vue dernièrement au Grand Théâtre avec Solstice, joue plus explicitement avec les codes du hip-hop qu’elle détourne aussi à l’occasion. C’est iconoclaste et pétillant, ironique plus que drôle. Cela démarre par un ballet inspiré du menuet baroque et s’achève par une série de performances solos qui permettent à chaque danseur de briller de tous ses feux. Dommage que la pièce traîne en longueur dans certaines séquences, avec une gestuelle un peu répétitive mobilisant fortement les bras dans de grands moulinets. L’effet cinétique finit par ne plus vraiment surprendre.

Le verdict

Dans le registre de la rencontre entre hip-hop et baroque, notre palme reste chez José Montalvo qui, avec Dominique Hervieu, a été le premier à explorer cette voie à la fin des années 1990. Il nous manque, dans ces pièces de Kader Attou et Blanca Li, le liant de la poésie et/ou de l’humour pour nous transporter au-delà de l’admiration devant ces incontestables performances physiques.

Marie-Laure Rolland

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1 commentaire

Gilbart Stéphane 13 janvier 2020 - 18 h 38 min

A défaut d’avoir pu y assister, allez sur YouTube découvrir comment Clément Cogitore avec la chorégraphe ??? a insufflé un superbe esprit baroque à sa mise en scène de l’opéra Les Indes Galantes à Paris Bastille, avec 29 danseurs typiques « de la rue ».

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