« Nutcracker » de Hannah Ma : la danse comme libération

par Marie-Laure Rolland

Cinq ans après la création de Nutcracker (Casse-Noisette) à la TuchFabrik de Trêves, la chorégraphe Hannah Ma et sa joyeuse équipe de danseurs/chorégraphes venus du Luxembourg en ont proposé sur cette même scène une version légèrement remaniée. Les codes du conte traditionnel y sont détricotés pour recomposer une histoire pleine de fantaisie et d’énergie, mais aussi de scènes piquantes propres à  secouer l’un ou l’autre cliché.

Ce ballet classique a fait l’objet de multiples réapropriations depuis sa création sur une musique de Tchaïkovsky au Théâtre Mariinsky en 1892. De George Balanchine à Sidi Larbi Cherkaoui en passant par Maurice Béjart ou Jeroen Verbruggen, les personnages féeriques imaginés par Alexandre Dumas se modèlent au gré de toutes les imaginations ou sensibilités.

Le Casse-Noisette d’Hannah Ma s’inspire librement du conte et en faisant une sorte d’arrêt sur image sur la fête de Noël. Sa pièce ne raconte pas à proprement parler les péripéties entre la petite Clara et son jouet transformé en prince. Qui est son Casse-Noisette ? À chacun de trouver sa propre réponse !

Différents personnages sur scène composent  une famille qui évoque celle de la petite Clara dans le conte d’Alexandre Dumas.  On peut y croiser une gamine en robe de princesse, un ado rebelle, des grand-parents déjantés, un maître de cérémonie, un lutin, une servante. Un aréopage d’enfants vient compléter par intermittence le tableau, comme par un coup de baguette magique. Tous ensemble ou chacun à leur tour, ces personnages nous entraînent à leur suite dans une folle nuit de Noël où les cadeaux ne sont pas toujours ceux que l’on croit.

La féerie du clinquant

La scénographie de la pièce est pour le moins surprenante. Le sapin qui trône sur la scène rappelle la nuit de Noël du conte, à laquelle fait écho la musique de Tchaïkovsky. Mais les parois en papier d’aluminium et la boule suspendue donnent à la scène une allure de boîte de nuit. Pas évident que le jeune public saisisse l’allusion. À moins que la féérie, au XXIème siècle, ne tienne au clinquant.

Le mélange des genres est également décliné au niveau de la musique, composée d’un collage d’extraits du ballet de Tchaïkovsky, de morceaux de piano et  de séquences électro.

« Nutkracker » de Hannah Ma (photo: Landesmuseum

La danse elle aussi joue l’éclectisme. Jill Crovisier, Ileana Orofino, Elisabeth Schilling, Sergio Mel, Christin Braband, Aifric Ni Chaoimh et Giovanni Zazzera composent le casting. Chacun apporte sa touche chorégraphique pour exprimer son point de vue sur l’histoire, mêlant les techniques du hip hop au classique en passant par le contemporain. Ces changements de ton s’enchaînent naturellement. De temps à autre, tout cela se mélange dans un joyeux brouhaha où le spectateur ne sait plus trop où donner de la tête. Les danseurs se donnent sans compter, jouant à fond leurs  personnages et les émotions positives ou négatives qui les traversent.

La pièce se déroule entre l’espace de l’avant-scène, lieu de toutes les danses et confidences, et l’arrière-scène où une table et des chaises ancrent les personnages dans le concret de nos réunions de famille où l’on boit, mange, rigole ou se dispute. Cet accessoire iconique du théâtre-dansé nous vaut de très belles séquences chorégraphiées par Hannah Ma.

Finalement, il plane sur cette pièce une belle énergie qui en fait le liant, en même temps que l’esprit. Une énergie  libératrice, capable de casser les carapaces des personnages les plus réfractaires à la force de l’amour. Le Casse-Noisette d’Hannah Ma peut ainsi se voir comme une allégorie de la danse, instrument de libération.  Alors dansons et la fête sera belle !

Marie-Laure Rolland

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