A l’entendre, ce sera la dernière fois qu’on le verra sur scène. Après Driven, à l’affiche les 26 et 27 juin au Grand Théâtre de Luxembourg, Jean-Guillaume Weis est résolu à quitter son costume de danseur pour se concentrer sur l’enseignement et la chorégraphie. Faut-il pour autant croire ce presque quinquagénaire qui, pour faire comme les jeunes, s’est laissé pousser une barbe… grisonnante? Nous l’avons rencontré pour comprendre quel est aujourd’hui le moteur de son travail.
«Danser à 49 ans, c’est dur». C’est l’heure de la pause déjeuner à la cantine du Grand Théâtre de Luxembourg. Jean-Guillaume Weis, attablé avec les deux danseurs engagés pour sa nouvelle création, Baptiste Hilbert et Malcom Sutherland, avale un sandwich jambon-fromage avant d’aller fumer une cigarette dans la cour. A la fin de la journée, il aura fini son paquet. «Je pense à arrêter depuis un moment. Mais je ne suis pas encore prêt psychologiquement pour cela», dit-il en recrachant la fumée. Cela ne l’empêche pas de danser. Son souci en ce moment, ce sont ses pieds. «J’ai mal aux orteils. Pourtant je fais attention. Je sais que je ne peux plus danser comme avant. Je fatigue vite. Je ne le cache pas dans ma nouvelle création. Je joue avec».
Il en va peut-être de la danse comme de la cigarette. Vient un moment où l’on se dit que l’on doit arrêter, mais franchir ce cap n’est pas évident. «Certains danseurs très âgés continuent la danse. Je me souviens avoir vu Merce Cunningham travailler à la création de Nearly Ninety. C’était sa dernière pièce en 2009. Il avait près de 90 ans et se soutenait avec des barres. C’était presque gênant pour moi de le voir ainsi. D’un autre côté cela m’a marqué et m’a aidé à comprendre comment il travaillait».
Celui qui a dansé pour le Pina Bausch Tanztheater, le Mark Morris Dance Group ou encore le Tanztheater Basel avant de fonder en 2002 son asbl Dance Theatre Luxembourg, crée presque invariablement une pièce par an. «Je fais avec les moyens du bord. Ce n’est pas toujours évident», dit-il en rappelant qu’il a toujours dans ses tiroirs un projet jamais abouti de création d’une compagnie professionnelle de danse au Luxembourg. « Si l’on pouvait travailler sur la durée avec un groupe de danseurs stable, on pourrait faire un travail de ouf! »
En 2013, il a ouvert la Danzschoul, une école de danse à Wellenstein, sur les bords de la Moselle. Différents professeurs enseignent à des jeunes de 4 à 18 ans toutes sortes de cours, du ballet aux danses de salon en passant par le hip hop ou la danse contemporaine. Les tâches organisationnelles et administratives occupent désormais une bonne partie de son temps. Il ne cache pas préférer le travail avec les danseurs professionnels ou en voie de professionnalisation, comme il le fait de temps à autre au Centre de création chorégraphique du Luxembourg (Trois C-L) ou à l’étranger. «J’adore enseigner aux pros. Avec les petits, ce n’est pas évident», confie celui qui est par ailleurs le père comblé d’une petite Mathilde de 16 mois et qui sera très bientôt de nouveau papa.
Le moteur de la danse
Sa nouvelle création, Driven, s’intéresse à la question de la créativité qui est en chacun de nous, à ce qui nous donne envie de nous exprimer. La note d’intention du spectacle indique que «les trois danseurs passent à l’acte, y prennent plaisir et plutôt que d’en parler, ils nous invitent à être témoin de leurs raisons de créer envers et contre tout. Chez soi, sur scène, dans la vie”.
Cette envie de s’exprimer est-elle le moteur qui a conduit Jean-Guillaume Weis à danser? «Non. Au début, c’est la danse elle-même qui m’a fasciné. J’ai su que j’allais devenir danseur professionnel en voyant sur scène mon professeur au Conservatoire de Luxembourg, Juan de Torres. J’étais impressionné par sa manière de dégager une telle émotion avec le corps».
Être créatif n’est à ses yeux pas quelque chose qui va de soi. «Je me rappelle des premiers travaux chorégraphiques pendant ma formation à l’Ecole du Ballet contemporain de Bruxelles, dans les années 1985-1986. J’ai éprouvé un sentiment de détresse. Il fallait faire quelque chose mais je ne savais pas par où commencer». C’est plus tard, en particulier lors des trois années passées dans la compagnie de Pina Bausch à Wuppertal, qu’il a appris à aller chercher en lui son propre matériel chorégraphique. «La créativité, cela se travaille comme un muscle. Plus on s’exerce, plus cela devient naturel. Cela finit même par devenir un besoin de s’exprimer».
Le chorégraphe note ses idées sur des bouts de papier, des carnets ou des fichiers dans son ordinateur. «Cela constitue le matériau de base d’une nouvelle création. La moitié de ce que j’apporte finit généralement à la poubelle. La plupart des idées se développent pendant le processus de création avec les danseurs. J’essaie de composer avec ce qu’ils ont de mieux en eux».
L’artisanat de la chorégraphie
Dans ce processus, Jean-Guillaume Weis garde toujours en tête l’échange avec le public. «L’important n’est pas seulement ce que je veux montrer mais aussi comment cela va être compris par le public». C’est la raison pour laquelle il a fait appel à quatre intervenants extérieurs (Anna Senognoeva, Dominique Thomas, Giovanni Zazzera et Aifric Ni Chaoimh) lors de son processus de création. «Faire de la jolie danse ou avoir de bonnes idées, cela ne suffit pas. Il faut aussi savoir régler les détails, trouver le bon timing. C’est cela l’artisanat de la chorégraphie». Un métier qui ne s’improvise pas et où, somme toute, avoir des cheveux gris est plutôt un avantage.
Marie-Laure Rolland
«Driven» de Jean-Guillaume Weis, les 26 et 27 juin 2018 à 20 heures au Studio du Grand Théâtre de Luxembourg.
Chorégraphie, mise en scène & danse : Jean-Guillaume Weis & guests Malcolm Sutherland & Jean-Guillaume Weis. Scénographie & costumes: Trixi Weis. Vidéo Catherine Dauphin. Lumière Steve Demuth. Regard extérieur, assistance création et répétitions Anna Senognoeva, Giovanni Zazzera, Dominique Thomas, Aifric Ni Chaoimh
Toutes les informations en cliquant ici.
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