Lorsque Blanca Li – et le public avec elle – danse pour la planète

par Marie-Laure Rolland

Hasard du calendrier, c’est précisément à la date de la Journée mondiale pour l’Environnement que la chorégraphe espagnole Blanca Li est venue au Luxembourg présenter sa dernière création, Solstice. Une pièce d’une grande force visuelle qui veut sensibiliser le public sur la beauté de la nature et l’urgence à se mobiliser pour la préserver. La démonstration ne n’est pas arrêtée là.

A l’issue de la représentation, Blanca Li, les cheveux noirs tirés en queue de cheval, vêtue d’un jean moulant et de bottes à talons, est montée sur scène pour inviter le public à danser une chorégraphie spécialement concoctée pour l’occasion. Impossible de résister à l’accent ensoleillé et à l’enthousiasme contagieux de cette pétulante quinquagénaire. Nombreux sont ceux, tous âges confondus, qui l’ont suivie dans le hall au pied des escaliers d’où elle a proposé un cours de danse accéléré. Voilà comment ont résonné des «Pollution : no /  Solution qui resteront dans les annales du Grand Théâtre!

Le poids des corps, le choc des images

Solsticea été créé en septembre 2017 au Théâtre national de Chaillot à Paris, une maison dirigée par José Montalvo – qui viendra clore la saison du Grand Théâtre à la fin du mois de juin avec Carmen. Blanca Li, comme José Montalvo, partagent un même souci de créer des spectacles accessibles au grand public, qui en mettent «plein la vue» tout en développant un discours très construit artistiquement.

La nouvelle création de Blanca Li s’inscrit dans cette lignée. La chorégraphe indique en outre qu’il s’agit pour elle du spectacle le plus engagé jamais réalisé. Durant 90 minutes – qui auraient pu être un peu élaguées notamment dans la première partie – le spectacle nous entraîne dans une exploration dansée de notre planète à travers ses quatre éléments que sont l’eau, la terre, l’air et le feu.

14 danseurs et un musicien sur scène incarnent cette histoire portée par une magnifique scénographie. Un plafond est constitué de plusieurs morceaux de voiles blancs suspendus par une multitude de fils alignés. Ce support mobile peut se transformer en écran sur lequel sont notamment projetées de spectaculaires images d’océan issues de films de Yann Arthus Bertrand. La toile se fait aussi nuages animés par le vent, étendue de terre aride, glacier vertigineux… Par moment, on approche la force visuelle d’un Bill Viola, comme dans la toute première scène où les danseurs évoluent derrière des écrans-fenêtres flamboyants,  dans ces vagues gigantesques qui semblent engloutir les danseurs,  ou dans ces ombres d’éoliennes qui soufflent sur la scène.

Atmosphère percussive

En fond de scène, une rampe-toboggan – comme les affectionne José Montalvo et avant lui  Pina Bausch – permet de jouer avec la tridimensionnalité de la chorégraphie. Les danseurs s’y hissent ou surgissent de derrière, glissent ou s’y projettent.

A cela s’ajoute la musique live, interprétée par le multi-instrumentiste et chanteur Tao Gutierrez, seul ou en surimpression d’une bande sonore.

 

« Solstice » de Blanca Li (photo: Laurent Philippe)

La chorégraphie en elle-même joue beaucoup sur les mouvements à l’unisson, en écho à l’atmosphère percussive du scénario. D’un point de vue du langage gestuel, ce sont les zooms sur les petites formations qui sont les plus intéressants. Ainsi la scène très réussie sur la thématique de l’air, où Blanca Li joue sur les effets d’aspiration sur le déplacement des corps. Ou encore ce solo de l’homme dansant sur une étendue d’eau, sur fond de bruitage réalisé en simultané par Tao Gutierrez.

On en ressort avec en tête des arrêts sur image fabuleux dont on ne détient pas forcément toutes les clés, mais qui vont continuer à agir dans notre mémoire sensible.

Marie-Laure Rolland

 

 

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