La création à la Kulturfabrik de la pièce de Sandy Flinto et Pierrick Grobéty – Vanitas. Live fast, never digest – est l’occasion de retrouver le danseur Stefano Spinelli. Il porte le rôle principal dans cette production qui explore l’absurdité d’une société obsédée par la lutte contre le temps qui passe. Pourquoi est-il remonté sur les planches? Nous lui avons posé la question à l’issue d’une répétition.
Il n’a pas changé. À 45 ans, l’artiste a toujours la silhouette sèche et fibreuse donnant l’impression qu’il découpe l’espace lorsqu’il se met en mouvement. Cela faisait plus de 10 ans qu’on n’avait plus vu sur scène au Luxembourg celui qui, après une carrière internationale, a dansé pour Sylvia Camarda, Bernard Baumgarten, Gianfranco Celestino ou Jean-Guillaume Weis. «Après une opération au dos, je me suis principalement consacré à l’enseignement de la danse, de la natation synchronisée et du patin à glace. J’aime beaucoup les échanges avec les élèves, ce que je peux leur transmettre du point de vue artistique et comportemental», dit-il. Des projets de théâtre ou de cinéma, comme coach d’expression corporelle, l’ont aussi sollicité. «En fait, la danse ne m’a jamais vraiment quitté. D’une manière ou d’une autre, elle était toujours là».
Quant à remonter sur les planches, ce n’était pas dans ses projets. Jusqu’au jour où il découvre dans la Maison Mousset d’Esch-sur-Alzette une installation artistique réalisée par Sandy Flinto et Pierrick Grobéty. «Il y avait plusieurs couches de voiles blancs qui se gonflaient comme un énorme nuage sous l’effet d’un ventilateur, avec la projection d’images de forêt. J’étais fasciné. Cela m’a donné envie de danser». Il contacte les artistes pour leur proposer de faire une performance. L’occasion d’une découverte réciproque qui n’allait pas s’arrêter là.
«La mort ne m’empêche pas de dormir»
La metteuse en scène Sandy Flinto explique que Vanitas. Live fast, never digest est une réflexion sur la fragilité de la vie et la manière dont nous appréhendons la mort. Le langage du corps permet d’exprimer sans mot des sentiments et des situations. « Pour nous, il était évident qu’il fallait un danseur d’un certain âge pour incarner l’interprète principal et nous avons tout de suite pensé à Stefano».
De son côté, Stefano Spinelli reconnaît ne pas avoir trop de points communs avec le personnage qu’il incarne. «La mort ne m’empêche pas de dormir car pour moi, ce n’est pas la fin. D’une manière générale, j’ai plutôt confiance en l’homme et contrairement à mon personnage sur scène, je sais prendre le temps de vivre. Mais d’un autre côté, je suis quelqu’un de sensible et d’empathique, qui fait des examens de conscience, alors forcément la thématique m’a intéressé».
À ses yeux, «Sandy Flinto et Pierrick Grobéty ont des choses à dire sur notre société et du talent pour l’exprimer. Leur démarche artistique m’intéresse. À mon l’âge, je n’ai plus envie de faire de concessions sur les projets que je choisis».
Le danseur fait preuve sur scène d’une maîtrise impressionnante pour quelqu’un qui ne s’est pas astreint à la discipline de fer quotidienne nécessaire chez les professionnels: «J’ai la chance d’avoir un corps qui n’a pas changé, qui est resté souple et réactif. L’acquis professionnel aussi est resté grâce à mon travail d’enseignant».
L’autre défi était de parvenir à trouver un langage commun avec des artistes qui ne sont pas chorégraphes. «Ils ne connaissent pas le langage de la danse. Cela peut poser des problèmes de compréhension de leurs attentes. Mais d’un autre côté, ils ont toute confiance en moi et me laissent carte blanche pour traduire en mouvement les idées qu’ils veulent exprimer». Pour celui qui s’est toujours considéré comme un danseur et non un chorégraphe, voilà qui n’est pas le moindre des challenges. Toujours est-il que le cadre multidisciplinaire de cette création, où l’on retrouve aussi sur scène un acteur, un tatoueur, un coureur, deux musiciens et une machine médico-musicale, était «une belle occasion de pousser plus loin mes limites», conclut-il.
Marie-Laure Rolland
Vanitas – Live fast, Never digest de Sandy Flinto et Pierrick Grobéty avec Stefano Spinelli (danseur), Denis Jousselin (acteur), Arthur Stammet (chanteur et compositeur), Valérie Stammet (chanteuse et violoncelliste), Vince (tatouer) ainsi qu’un coureur.
À la Kulturfabrik de Esch-sur-Alzette les 9 et 13 mars 2019 à 20h, à Neimënster à Luxembourg-Grund le 5 avril (10h) et 6 avril (19h).