Carmen fait son show avec le Luxembourg Ballet

par Marie-Laure Rolland

Après Casse-Noisette et Don Juan, le Luxembourg Ballet sous la direction de Volha Kastsel a revisité un autre ballet culte, cette fois autour de la figure de Carmen. Servie par un casting de haut niveau avec plusieurs solistes ukrainiens, cette version peut se lire comme une ode aussi radicale que facétieuse à la liberté.

par Marie-Laure Rolland

Le spectacle a fait salle comble pendant les deux soirées de représentation au  Cube 521 de Marnach ainsi qu’au centre opderschmelz de Dudelange. Le public n’a pas boudé son plaisir, preuve qu’il y a un intérêt pour la création de ballet néo-classique au Luxembourg.

La pièce revisite le célèbre roman de Prosper Mérimée avec dix danseurs mis en scène sur la musique de Bizet arrangée pour violon, violoncelle, guitare, clarinette, trompette et percussions. Le casting réunit des danseurs résidents au Luxembourg mais aussi des solistes originaires de Biélorussie et d’Ukraine ainsi que des musiciens de l’école de musique de Dudelange (Vania Lecuit, Judith Lecuit, Ender Vielma, Max Mausen, Tommes Rute, Luc Hemmer). Il est rare de voir sur la scène de la danse luxembourgeoise une telle production et cela mérite d’être souligné.

Cela étant, on peut se demander pourquoi les partenaires du projet n’ont pas poussé davantage leur soutien. A Dudelange, le public a dû voir le spectacle dans une salle configurée pour un concert, sans installation de gradins qui auraient permis de mieux observer ce qui se passait au sol – en particulier la belle scène inaugurale.

Dommage aussi que les six musiciens, qui interprétaient en live une adaptation de l’œuvre de Bizet, n’aient pas davantage répété pour prendre le pouls de la salle. Ils ont mis un peu de temps avant d’y trouver leur juste place et de permettre à la pièce de prendre son envol.

Pour le meilleur et pour le pire

J’ai bien aimé le parti pris de la chorégraphe Volha Kastsel de faire de son personnage principal un double inversé de son Don Juan, qui viendrait en quelque sorte lui rendre la monnaie de sa pièce. On a beau être à l’heure de #MeToo, on ne voit pas pourquoi les personnages féminins devraient se cantonner au registre de la victime. Cette figure amorale, guidée par ses seuls désirs, fonce dans la vie sans souci des cadavres qu’elle laisse sur son chemin, avec pour seul drapeau l’étendard de sa liberté. Dont elle devra payer le prix.

Ce Carmen peut décontenancer par son langage un peu hybride, au carrefour de la danse classique, moderne et contemporaine. Son esthétique aussi fait de curieux détours. Autour d’un dispositif scénique simple et ingénieux (des assises modulables) se déploient des scènes à l’esthétique hispanisante qui versent parfois dans une ambiance de cabaret que l’on situerait plutôt en Europe de l’Est.

Katerina Floria dans le rôle de « Carmen » avec le Luxembourg Ballet (photo: Filip Veirman)

La pièce impressionne surtout par la technique et la présence scénique des danseurs, en particulier Artem Shoshin que j’avais déjà remarqué dans le Don Juan. Il n’a pas le rôle principal de Don José (endossé par l’athlétique et séduisant Anton Krauchanka) mais c’est bien lui qui capte tous les regards à travers les différents rôles qu’il endosse successivement, alliant la théâtralité à la virtuosité et au charisme, avec son visage d’ange et son insolente virtuosité. Son solo de personnage narcissique, tout comme son duo avec la non moins talentueuse Carmen/Victoria Tvardovskaya, ont électrisé la salle de Dudelange (je n’ai pas vu Katerina Floria dans le rôle de Carmen à Marnach).

Le choix de mettre les musiciens sur scène face au public est pertinent du point de vue de la dramaturgie, mais cela réduit d’autant la place pour les danseurs. Sur le plateau d’opderschmelz, Oleksii Potiomkin (ancien danseur principal au ballet de l’Opéra de Kiev) et Olekssi Busko (danseur principal au Modern Ballet de Kiev) semblaient un peu trop à l’étroit, de même que les quatre danseuses du corps de ballet (Alisha Leyder, Carine Baccega, Sofia Binetti, Laura Guessan). Celles-ci apportent une belle énergie à la dramaturgie en la replaçant dans un langage plus contemporain, mais elles sont malheureusement un peu trop confinées entre les solistes et les musiciens disposés à l’arrière de la scène.

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