Le Luxembourg Collective of Dance (Lucoda) a fait ses premiers pas sur la scène nationale au printemps 2019. Deux ans et demi plus tard, il a réussi à se profiler comme un acteur incontournable de Esch 2022, capitale européenne de la Culture. L’heure de vérité approche pour transformer une ambition en projet durable.
par Marie-Laure Rolland
L’alchimie va-t-elle prendre aussi bien que sur TikTok? A observer la campagne de communication sur les réseaux sociaux, la capitale européenne de la culture Esch 2022 compte bien nous faire danser. On en aura un avant-goût lors de la soirée de lancement des festivités le 26 février. Le ticket d’entrée est assorti d’une invitation à apprendre une chorégraphie pour le jour J ! Je n’ai pas encore trouvé le lien vers le tutoriel, mais je ne désespère pas d’y parvenir d’ici là …
Du côté du Luxembourg Collective of Dance aussi, l’heure est aux projets « participatifs ». Un sacré défi par temps de pandémie. Quel va être le programme et comment tout cela se met-il en place ? Pour le savoir, j’ai rencontré l’une des chevilles ouvrières du collectif, l’hyperdynamique Rhiannon Morgan.
Danse en trois temps
Trois projets du collectif (sur les quatre initialement présentés) ont obtenu le label Esch 2022. Leur épicentre sera l’ancienne cité minière de Differdange, qui ne ménage pas ses efforts pour s’affirmer comme le pôle national des industries créatives au Luxembourg.
« On a une très bonne relation avec la jeune équipe communale, la confiance s’est établie dès le début », observe la danseuse. Ensemble, ils ont essayé de trouver de « nouvelles formes de rencontre avec le public » autour de la danse. Le défi n’est pas mince dans cette région dont les highlight culturels sont le festival Blues Express et la Steampunk Convention !
Le seul projet DifferdanceDays englobe pas moins de cinq sous-projets avec des performances dans des lieux insolites (églises, bus, Science Centre), des ateliers ouverts au public pour s’initier à différentes techniques de danse (de salon, latino, folklorique, rock…) sans oublier le Grand bal final du 22 octobre qui réunira danseurs amateurs et professionnels sur la scène du Aalt Stadhaus de Differdange.
Autre temps fort : le projet Choreochroma, développé en partenariat avec Novi Sad (Serbie), capitale européenne de la Culture en 2021. Cette création transdisciplinaire sera présentée en première mondiale les 22 et 23 juillet sur la scène du plancher des coulées des Hauts Fourneaux d’Esch-Belval. Elle réunit un casting luxembourgo-serbe avec de la danse (Rhiannon Morgan, Gabriele Montaruli et Giovanni Zazzera), la peinture (Chantal Maquet), le vidéo-mapping (Melting Pol et Gilles Seyler) ainsi que la musique (Ljubomir Nikola).
Enfin, le projet The Visit, sous la direction de Baptiste Hilbert, va combiner créations de vidéodanse et chorégraphies qui seront présentées au public de manière insolite dans des lieux qui questionnent l’histoire passée et actuelle du sud du pays. Piera Jovic nous entraînera dans le quartier de Little Italie à Dudelange, Gianfranco Celestino explorera le centre commercial Plazza Belval. Ileana Orofina s’installera dans la Maison Rosatti, près des anciennes mines de fer à Esch.
Une dynamique en cours
Pour développer ces projets, Lucoda peut s’appuyer sur un réservoir de 28 membres. Ce chiffre témoigne d’une dynamique en cours, puisque le collectif comptait une dizaine de membres fondateurs à ses débuts en 2019. « On a voulu s’ouvrir à tous ceux qui ont un intérêt à la danse et qui veulent s’impliquer d’une manière ou d’une autre », observe Rhiannon Morgan. Elle juge important «d’être représentatif de la diversité de la scène de la danse au Luxembourg », laquelle reste à ses yeux encore « trop cloisonnée ».
Parvenir à mettre sur pied les projets pour Esch 2022 est un petit tour de force pour cette équipe qui s’est lancée dans l’aventure sans structure professionnelle sur laquelle s’appuyer pour la gestion de projet. «Il n’y a pas de hiérarchie entre nous. On réagit aux besoins en fonction des envies qui s’expriment ou des propositions qui se présentent. Ensuite, on se répartit les tâches ».
Et après ?
Ce mode d’organisation de Lucoda a pour principal atout la flexibilité et la réactivité – que n’ont pas les institutions culturelles par exemple. Mais il présente aussi des limites. Le gros du travail de gestion et de production est bénévole. Il repose sur les membres du comité, qui doivent gérer cette charge en plus de leur travail d’artistes. Et puis se pose la question de la durabilité de ces initiatives.
Pour l’heure, Rhiannon Morgan n’a pas trop de visibilité sur ce que les projets deviendront après l’année européenne de la Culture. « Idéalement, il faudrait qu’on ait quelqu’un pour gérer la diffusion future de ce qu’on est en train de créer pour Esch 2022 », dit-elle en espérant obtenir prochainement une aide à la structuration du ministère de la Culture.