« My Cat is a Unicorn »  … ou pourquoi Nobody’s perfect

par Marie-Laure Rolland

Les danseurs ont beau avoir l’habitude de faire le grand écart, l’exercice peut être plus compliqué qu’il n’y paraît. Après avoir signé le très beau solo !Maki ?!  en 2018, Georges Maikel Pires Monteiro signe sa deuxième pièce, avec quatre danseuses sur scène pendant une heure. La première de My Cat is a Unicorn au Kinneksbond a souligné les difficultés d’aller au bout d’un tel exercice, non sans semer les graines de belles moissons à venir.

par Marie-Laure Rolland

La pièce soulève, derrière son titre métaphorique, la question de la quête de perfection (comment être une licorne dans un monde de chats?) La perfection est le Graal de chaque artiste en même temps qu’une chimère, a fortiori dans l’univers des arts vivants où la performance est soumise aux aléas de la représentation en live, sans possibilité de retouche sur logiciel pour redresser les éventuels couacs. Georges Maikel Pires Monteiro n’est pas sans l’ignorer. La question du doute était déjà au cœur de sa première pièce, !Maki ?!,  une très belle création où s’exprimait la sensibilité à fleur de peau de ce suberbe danseur, à la fois puissant et subtil. Il y faisait la démonstration que le doute et l’incertitude peuvent être de puissants moteurs créatifs.

Je(ux) de rôle

Il y avait pas mal d’obstacles à surmonter sur la route de My Cat is a Unicorn. À commencer par un timing réduit de cinq semaines de création – même si Georges Maikel a été assisté de Ileana Orofino. La pièce aurait certainement gagné à être plus courte d’une quinzaine de minutes, ce qui aurait permis de donner davantage de ressort aux trois périodes autour de laquelle elle est construite.

Dans les première et troisième parties, Piera Jovic, Jin Lee, Diana Rigata Garcia et Natalia Sesé Cabello forment un beau quatuor de danseuses qui nous entraînent, à travers une succession de scénettes, dans le quotidien de leur intimité. Leurs interactions suggèrent leurs doutes, les distorsions dans la manière dont elles se perçoivent, leurs rivalités, leur complicité aussi. Autant de situations qui contribuent à la construction de soi, semblent-elles nous dire, préalable avant de gagner suffisamment d’assurance pour se confronter au monde. Il y a de belles miniatures chorégraphiques ici et là, en solo ou en groupe, mais le tableau d’ensemble manque de substance et reste trop à l’état d’esquisse.

La transition entre la première et la deuxième période est surprenante. Durant un long laps de temps, la scène est plongée dans le noir quasi complet, sans un son ni mouvement. Cette pause sans raison explicite (est-ce la fin du spectacle ? Un problème technique ? Un effet de mise en scène ?) est un pari risqué car le public peut totalement se déconcentrer. Le soir de la première, il a joué le jeu jusqu’au bout, permettant de remonter le ressort dramatique. Pour ma part, j’y ai vu une sorte de sidération, de visualisation de l’angoisse que l’on peut éprouver à passer de la sphère privée à la sphère publique.

Hors de soi

La deuxième partie de la pièce est la mieux construite. Une enfilade de néons suspendus (la création lumière est signée Marc Thein et Nina Schaeffer) encadre la scène tout en introduisant un élément dramaturgique qui en facilite la lisibilité pour le public. Les danseuses se retrouvent comme propulsées à l’intérieur d’un tram où les corps en mouvements cohabitent de manière plus ou moins chaotique. La créativité du chorégraphe a trouvé là une belle manière de s’épanouir.

Il faut aussi dire un mot de la musique. Damiano Picci a beau avoir déjà une large expérience de producteur électro à son actif (notamment aux côtés de EDSUN, CHAiLD, Belfast Overdose), il semble avoir été un peu dépassé par l’envergure du projet. Celui-ci s’est développé sous forme de work in progress, ce qui ne lui a peut-être pas donné le recul suffisant pour soigner les finitions. Quelques passages réussis émergent mais l’ensemble ne noie dans un grand bain sonore malheureusement trop lourd et indifférencié pour permettre à la pièce de décoller.

La pièce est encore à voir le 15 janvier 2022 au TROIS C-L et les 23 et 24 février au Grand Théâtre de Luxembourg.

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