C’est un spectacle dont on ressort un peu sonné. Déboussolé. Une overdose de musique, de contrastes de lumière, de bascules d’atmosphère, de corps qui s’excitent. Cela s’appelle Art.13 et nous balance à la figure les deux alinéas de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Un petit rappel en cette année où cette Déclaration fête ses 70 ans : l’article 13 stipule que «1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ». Répondant à un appel à projet du Trois C-L, le duo d’artistes Sandy Flinto et Pierrick Grobéty a choisi de réfléchir sur ce principe qui est l’un des points les plus sensibles politiquement et socialement en cette période de crise migratoire où le repli identitaire devient mainstream.
Comment traiter de cela visuellement, sans tomber dans le discours moralisateur ou sentimentaliste ? Comme toujours chez le duo qui travaille conjointement depuis 2012, la réponse est polyphonique et transdisciplinaire. Elle fait appel à la musique live (du son électro teinté de métal signé Pierrick Grobéty), la danse (une chorégraphie du Danzpräis 2013 Giovanni Zazzera, qui est sur scène avec Catarina Barbosa et Baptiste Hilbert), le théâtre, la lumière, les costumes et la scénographie (Sandy Flinto).
Le naufrage des uns et des autres
Dans cette pièce qui nous parle de migrations, le spectateur n’est pas pris par la main pour suivre un chemin balisé. Les pistes sont brouillées à dessein, avec des personnages sur scène qui changent de rôles comme de costumes. Ainsi, on peut voir dans le gilet qu’ils portent la veste de sauvetage des réfugiés dans leur embarcation de fortune, mais aussi le gilet de signalisation d’un travailleur des travaux publics, ou encore l’accessoire trendy symbolisant le naufrage d’une jeunesse friquée qui s’éclate en boîte de nuit au son de «Money, Money, Money » de Abba.
Les perspectives aussi oscillent sans cesse entre le point de vue des « entrants » et ceux qui sont déjà dans la place. Ce que souligne un passage bien réalisé où Catarina Barbosa est balancée, tel un pendule, de part et d’autre d’une porte-frontière, où la repoussent des hommes en faction.
Entre réalité et fantasme
Et puis, le flou artistique est entretenu sur la frontière entre le récit et le fantasme. Ainsi, une bande son diffuse un discours sans queue ni tête d’où émergent quelques poncifs emblématiques des stéréotypes qui saturent les médias. Tout se mêle dans ce discours collectif, à tel point que l’individu semble finir par se perdre lui-même.
Il fait souvent sombre dans cette pièce où les jeux de lumière tentent d’éclairer des pistes incertaines et de faire émerger une poésie (des beaux jeux de mains très métaphoriques), avant que les personnages ne soient engloutis dans une sorte de néant.
Tout cela en quarante minutes, voilà qui est exigeant. D’autant que la bande sonore saturée du début marque durablement de son empreinte l’espace scénique. En fin de compte, on ressort de Art.13 avec une impression de confusion. C’est peut-être l’objectif recherché. On peut néanmoins se demander s’il ne manque pas dans ce spectacle les respirations qui auraient permis au spectateur de davantage y trouver sa place.
Marie-Laure Rolland
A voir encore le 10 mai (20h) et le 11 mai 2018 (représentation scolaire) à la Schungfabrik à Tétange (L). Réservations en cliquant ici.