Il aura donc fallu le Covid-19 pour que s’épanouisse pleinement la scène chorégraphique du pays. Pas moins de 14 créations luxembourgeoises sont à l’affiche cette saison – contre quatre à cinq pour les bons crus des années précédentes. C’est l’un des phénomènes marquants de cette rentrée. Voici mon tour d’horizon et mes coups de coeurs.
Made in Luxembourg
Alors que certaines grandes stars seront absentes cette saison – on pense à Akram Khan, Anne Teresa de Keersmaeker, Sidi Larbi Cherkaoui, etc…), voilà l’occasion pour le public sortir des sentiers battus en réalisant qu’il existe dans le pays une scène créative très dynamique.
Cette éclosion exceptionnelle s’explique tout d’abord par le report de certains projets qui n’ont pas pu être présentés la saison passée. Et puis, les institutions culturelles ont voulu soutenir les artistes nationaux, fortement impactés par l’arrêt brutal de la scène culturelle.
Il faut dire aussi que programmer des compagnies étrangères est risqué par temps de pandémie. Rien ne garantit que celles-ci pourront franchir les frontières le moment venu.
Work in progress
Cette créativité se manifeste alors que la scène chorégraphique du pays a connu ces dernières années une belle montée en puissance.
Pour les curieux, chaque 3ème jour du mois à 19h, le TROIS-CL est « the place to be ». Le Centre chorégraphique ouvre les portes de la Banannefabrik, rue du Puits à Luxembourg-Bonnevoie, pour des présentations de créations en cours. Dans un cadre décontracté, c’est l’occasion de découvertes hors des sentiers battus et d’échanges autour d’un verre avec les artistes luxembourgeois ou étrangers. On peut y voir les premières recherches de spectacles qui se dévoileront quelques mois plus tard sur les grandes scènes du pays.
À noter qu’on y découvrira les créations de deux jeunes chorégraphes: Rhiannon Morgan (le 3 novembre) et William Cardoso (le 3 janvier).
Artistes associés
Grâce au coup de pouce du ministère de la Culture, les institutions culturelles sont encouragées à s’associer avec des artistes.
À Neimënster, on retrouvera l’artiste associée (2019-2022) Anne-Mareike Hess, qui présentera du 4 au 6 décembre son nouveau solo, Dreamer, après le très remarqué Warrior. Plusieurs rendez-vous avec le public sont prévus pour échanger sur son processus créatif.
Le Trifolion d’Echternach, où la danse contemporaine était quasi inexistante jusqu’à présent, a proposé à Elisabeth Schilling d’être artiste associée (2021-2023). On a déjà pu voir les traces de sa performance Invisible dances dans le centre ville, le 9 septembre. Le programme va se développer par étapes au cours de la prochaine saison, pour rapprocher le public régional de la danse contemporaine.
Simone Mousset est artiste associée au Théâtre d’Esch (2019-2022). Elle invite le public à suivre son travail lors de la journée portes ouvertes du 4 octobre. Sa nouvelle pièce, BAL: Pride & Disappointment devrait y être présentée en juin 2021.
Les artistes multidisciplinaires Sandy Flinto et Pierrick Grobéty poursuivent leur association (2018-2021) avec la Kulturfabrik d’Esch. Ils y présenteront leur nouveau projet, Ecological Anxiety Disorder, dans le courant de l’année 2021.
À Luxembourg
Le Grand Théâtre reste, sous la direction de Tom Leick et dans la continuité de Frank Feitler, la grande scène de la danse dans le pays et l’un des grands coproducteurs européens. Cela nous a valu de découvrir et de suivre sur la durée de grands noms de la danse contemporaine.
La « famille » des artistes ne sera pas au complet cette saison, en espérant que la pandémie ne viendra pas contrarier davantage une programmation qui propose néanmoins quelques beaux rendez-vous. Le public luxembourgeois devrait avoir l’exclusivité de la première mondiale du nouveau spectacle de Hofesh Schechter, Double Murder (5 et 6 mars), qui n’a pas pu être présenté au Festival d’Avignon.
Par sécurité, les grandes compagnies étrangères ne feront pas leur apparition au Grand Théâtre avant le mois de janvier (Mourad Merzouki y présente Vertikal en janvier, mais sera dès le mois de novembre au Théatre d’Esch avec une autre pièce). La saison s’étalera jusqu’au 15 juillet afin de permettre le report de certains spectacles comme celui de La Horde (14 et 15 juillet).
Deux créations luxembourgeoises, à l’affiche en décembre, permettront de suivre le travail de jeunes chorégraphes extrêmement talentueuses. La lauréate du Lëtzebuerger Danzpräis 2019, Jill Crovisier, présente sa nouvelle pièce pour 7 danseurs, Jinjeon, les 2 et 3 décembre. Elle sera suivie par Elisabeth Schilling qui créera Hear Eyes Move – Dances with Ligeti, pour 5 danseurs, une pièce conçue en collaboration avec la pianiste Cathy Krier (16-17 décembre).
Mes autres coups de coeur : surtout et peut-être avant tout, le duo entre la grande Germaine Acogny et la danseuse de Pina Bausch Malou Airaudo lors d’une soirée où sera aussi dansé par leurs deux ensembles un Sacre du Printemps (24 au 26 juin). Ces spectacles font partie d’un cycle sur l’Afrique auquel est invité, avec des danseurs d’origine subsaharienne, le très poétique Josef Nadj (9-10 février) que l’on n’avait plus vu depuis quelques années. Autre incontournable : la création de Sybil par la star en résidence, William Kentridge (11 au 13 juin).
Toujours à Luxembourg-ville, le TNL à Luxembourg s’ouvre cette saison davantage à la danse avec deux créations. Le directeur Frank Hoffmann a invité des chorégraphes qui ont déjà un beau répertoire à leur actif : Jean-Guillaume Weis créera SehnSucht en collaboration avec l’écrivaine Elise Schmit (les 7,10 et 11 mars). On verra aussi la danseuse Sylvia Camarda dans Begegnungen, une création multidisciplinaire conçue par le compositeur Camille Kerger (du 19 au 25 mars). Hannah Ma présentera sa nouvelle création pour 6 danseurs, Onda (les 7,9 et 11 mai).
Aux Rotondes, à Luxembourg-Bonnevoie, le projet Identity, qui devait réunir (les 19 et 20 octobre) 19 jeunes de quatre pays sous la direction du chorégraphe belge Gregory Caers, assisté à Luxembourg de Piera Jovic, a été annulé du fait des contraintes sanitaires. Grosse déception pour les jeunes et Piera Jovic : c’est un an de travail qui tourne court sans perspective de pouvoir trouver une nouvelle date.
Voici la bande annonce de la pièce, en espérant qu’elle pourra renaître un jour.
À Esch
Le Théâtre d’Esch monte en puissance avec 8 productions de danse. On y verra M.a.d, la nouvelle création de Valérie Reding dans le cadre du festival Queer Little Lies (13 novembre), ainsi qu’une autre création de Jean-Guillaume Weiss, 3×20, en duo avec le percussionniste Pascal Schumacher (30 avril) .
La directrice Carole Lorang cherche à positionner son institution comme une scène du hip hop. Elle a invité The Roots de Kader Atou (2 octobre) et Boxe Boxe Brazil de Mourad Merzouki (25 novembre).
Autre temps fort : Mozart à 2, Beethoven à 6 d’un ancien familier du Grand Théâtre, le Malandain Ballet Biarritz (6 mars).
À Mamer
De son côté, le Kinneksbond de Mamer fait plutôt profil bas pour une fois. La belle collaboration mise sur pied par le directeur, Jérôme Kohnen, avec le Ballet de Metz, est mise entre parenthèses cette année mais un appel à projets devrait être lancé prochainement pour une collaboration avec l’Orchestre de Chambre de Luxembourg autour d’oeuvres de Darius Milhaud et Claude Debussy (14 mai). La venue de Robyn Orlin est reportée à 2021.
Côté création, on verra la nouvelle pièce de Jennifer Gohier et Grégory Beaumont, Trip, le 25 février. Ou comment prendre le large en ces temps de pandémie.
Le projet itinérant, Living Room Dancers, où des danseurs investissent des habitations de Mamer, n’avait pas pu avoir lieu la saison passée. C’est partie remise (les 9 et 10 juillet).
À Ettelbrück
Au CAPE d’Ettelbrück, la danse sera bien présente pour les 20 ans de l’institution.
Le directeur, Carl Adalsteinsson, a programmé la création multimédia Blast, de Emanuela Iacopini dans une scénographie de l’artiste Laura Manelli (le 19 novembre).
Après la première à Esch, Jean-Guillaume Weis présentera dans la capitale du Nord 3×20 avec le percussionniste Pascal Schumacher (le 12 mai).
A ne pas manquer également : la dernière création de Marcos Morau par la National Dance Company of Wales de Marcos, le 26 mars.
À Dudelange
Opderschmelz fait un peu le service minimum côté danse, depuis le départ de l’ancienne directrice, Danièle Igniti. Toujours est-il que John Rech propose une affiche de qualité puisqu’on y verra la première de la production multimédia Blast, d’Emanuela Iacopini en collaboration avec l’artiste Laura Manelli (les 10 et 11 novembre).