Les identités troubles du collectif Knowedge

par Marie-Laure Rolland

La danse hip-hop reste encore le parent pauvre de la scène chorégraphique luxembourgeoise. Par sa philosophie et son langage, elle a pourtant beaucoup de choses à partager. Ce que montre la pièce Patchwork, du collectif Knowedge.

Par Marie-Laure Rollland

J’ai eu un véritable coup de cœur pour ce spectacle que j’ai pu découvrir sur la scène du Aalt Stadthaus de Differdange. C’était l’avant-dernière étape d’une tournée qui a fait escale à la Schungfabrik de Tétange, au plancher des coulées à Belval et bientôt à l’affiche au Ariston à Esch dans le cadre de la Capitale européenne de la Culture Esch 2022.

Cette création a été supervisée par une pointure parisienne de la scène hip-hop, Thierry « Nasty » Martinvalet, mais elle a surtout été portée par ses quatre interprètes de différentes générations et  origines qui y ont mis leurs tripes, leur temps et leur talent, au carrefour de différents styles de hip-hop et de la danse contemporaine.

Chaque danseur s’est inspiré de son propre parcours pour raconter l’histoire de personnages en quête d’eux-mêmes, de sens aussi. Ils explorent leurs forces et leurs faiblesses, leurs rêves et leurs doutes, ils cherchent aussi à comprendre ceux qui les entourent et contribuent à forger leur personnalité.

Le processus de création s’est étalé sur près de deux ans, dont cinq semaines de résidence. Il n’en fallait pas moins pour ces danseurs dont la plupart ont une activité professionnelle à côté de leur passion. Franklin Pereira, le président de l’association Knowedge, écume les compétitions de hip-hop dans la catégorie house dance (il a été finaliste du Juste debout à Paris Bercy) tout en étant professeur de sport à Differdange. Benoît Callens, qu’on a vu récemment dans Wellbeing – Mental Noise aux Rotondes, mène une carrière de danseur (entre technique du Bboying, popping et mime) à côté de son travail de banquier. Rémi Yin, adepte de la house dance, se partage entre ses activités de danseur, DJ, et chercheur en économie. Alicia Cano est la seule diplômée de danse de la bande et enseigne le hip-hop chez Art in Motion à Mersch.

Défi relevé

Avoir une excellente technique de hip-hop ne garantit pas qu’on sera capable de raconter une histoire et de capter l’attention du public pendant plus d’une heure. Dans Patchwork, le défi est relevé.

L’une des grandes qualités de la pièce est de montrer un processus de construction identitaire qui n’est ni simpliste, ni linéaire. Dans les solos aussi bien que dans les interactions entre danseurs, on sent bien que tout cela est fragile, mouvant, en perpétuelle évolution. Les pas de danse semblent tester différentes hypothèses, des hybridations, des retours en zone de confort.

Cette dynamique polymorphe est soulignée par les costumes (signés Natercia Rebelo) qui prennent davantage de couleurs et de relief au fil du temps, sans que disparaisse complètement l’uniforme du conformisme dans lequel on reste tenté de se fondre.

A cela s’ajoute la création musicale de Corentin Piquard qui entraîne le spectateur dans un étonnant voyage sonore où se croisent différentes temporalités, géographies et voix intimes habilement remixées. On est loin des autoroutes pré-formatées de certains spectacles qui en mettent plein les oreilles, au risque d’anesthésier notre sensibilité.

Seul bémol dans cette création : la lumière n’est pas toujours au même niveau de subtilité, surtout dans la première partie du spectacle. Un next step dans le processus ? Il ne manque pas grand chose pour que ce Patchwork brille de tous ses feux.

A noter : le spectacle est à l’affiche du Ariston à Esch les 12 et 13 décembre 2022. Informations et réservations en cliquant ici.  

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