Des murs à escalader, une barre où s’accrocher, des balles petites et grandes, du vidéo mapping, mettez-y trois interprètes et secouez le tout : cela donne un spectacle plein de rebondissements qui ne peut qu’enthousiasmer petits et grands.
par Marie-Laure Rolland
Des cris, des rires, un brouhaha que les profs tentent de contenir par des « chuts » ! Le spectacle était aussi amusant dans la salle que sur scène, le jour où je me suis rendue à une séance scolaire de Sahasa à opderschmelz. Une agora hyper réactive a fait vibrer le spectacle signé par la chorégraphe Jill Crovisier. Comme me l’a confié l’un des interprètes, Isaiah Wilson, à l’issue de la représentation : « c’est une énergie qui nous fait du bien ! »
Au fil du spectacle, l’excitation a laissé place à davantage d’attention pour comprendre ce qui se joue entre les deux hommes et une femme sur scène, dans un espace structuré par des blocs blancs qui vont servir de structure à du video mapping (Nico Tremblay). Le danseur de hip hop Isaiah Wilson – qu’on a vu dans JINJEON de Jill Crovisier – partage l’espace avec la spécialiste de freerun Lynn Jung et le pro du football freestyle Sven Fielitz.
Cela rappelle l’esprit des battles. D’emblée Lynn Jung en met plein la vue. En quelques foulées et impulsions, son corps félin bondit sur les blocs disposés ici et là, s’accroche à une barre fixe, enchaîne avec des pirouettes et autres glissades. On l’imagine sans peine franchir des territoires autrement plus vastes et escarpés que ce petit espace scénique.
Face à elle, Sven Fielitz se surpasse pour enchaîner les figures balle au pied. Le ballon virevolte avec une maîtrise qui fait s’écarquiller les yeux des enfants.
Isaiah Wilson s’amuse de ses camarades en imitant ou détournant leurs mouvements dans sa danse, au rythme d’une musique électro composée par Damiano Picci pleine de peps, de variations rythmiques et mélodiques.
Sortir de sa zone de confort
J’avais beaucoup aimé Matka (2016), la première pièce pour jeune public de Jill Crovisier qui nous entraînait dans un voyage poétique plein de légèreté et de fantaisie. Ici, le registre est différent. La prolifique chorégraphe, lauréate du Lëtzebuerger Danzpräis en 2019, ficelle un spectacle plein d’humanité, sans prise de tête.
Sahasa signifie « courage » en népali. Il en faut pour pousser sa pratique d’une discipline vers l’excellence. Mais il en faut aussi pour sortir de sa zone de confort et aller vers l’autre. C’est la principale démonstration de Sahasa. Les trois interprètes sur scène vont se familiariser avec les techniques de leurs camarades, tenter de repousser leurs propres frontières.
Cela passe par la capacité à montrer ses faiblesses, à descendre de son piédestal pour se mettre à la portée de l’autre. Sven Fielitz en étonnera plus d’un. On le voit danser à l’unisson de ses camarades ! Cela lui impose de ne plus se focaliser sur ses pieds mais de trouver un autre centre dynamique. Sa bonne volonté et sa complicité avec ses partenaires compensent sa raideur. Isaiah Wilson use de subterfuges pour jouer avec les balles. Quant à Lynn Jung, c’est sûrement l’interprète la plus époustouflante. Elle semble capable de relever n’importe quel défi.
Les nombreuses questions du public à l’issue de la représentation montrent que les jeunes n’auraient pas rechigné à se joindre à l’exercice…
Après les représentations à opderschmelz et au Trifolion, le spectacle est encore joué du 4 au 6 mai puis du 24 au 27 novembre 2022 aux Rotondes, ainsi que les 20 et 21 novembre au CAPE d’Ettelbruck.