Cap au Sud pour lever un coin du voile sur le nouveau projet de la chorégraphe, mais aussi découvrir une institution qui rapproche le Luxembourg de la Méditerranée.
par Marie-Laure Rolland
De passage à Marseille, j’ai eu la surprise de découvrir que la chorégraphe luxembourgeoise Simone Mousset était à l’affiche du festival «Question de danse » du Klap – Maison de la Danse. Une occasion de découvrir les prémices de sa nouvelle pièce en développement.
Le titre vous propulse déjà dans un univers bizarre qui a de quoi piquer votre curiosité. Après Impressing the Grand Duke, Bal suivi de Bal : Pride and Disappointment, ou encore The Passion of Andrea 2, voici que se profile Empire of a Faun Imaginary. Ce qu’elle a traduit pour le public francophone du Klap : «Empire d’un imaginaire faunesque»… (et avec ces trois petits points, vous pouvez vous figurer le regard en suspension lancé aux spectateurs, assorti d’un sourire amusé).
«J’ai commencé à travailler avec Neil Callaghan en studio lundi. On est jeudi. Donc on en est vraiment au tout début de notre travail», explique Simone Mousset à la soixantaine de spectateurs installés sur les gradins, dans la boîte noire qu’est le grand studio du Klap.
Son idée de départ est un constat : la « race humaine» veut à tout prix rester présente sur la planète, occuper l’espace, poursuivre sa route. «Pourtant, ce qu’on nous annonce au bout est horrible. Et en fin de compte on va tous mourir. Pourquoi cette insistance ? Et aussi: quel rôle va jouer l’imaginaire là-dedans ? » L’artiste touche ainsi à l’angoisse existentielle de ses contemporains, sur fond de prévisions climatiques apocalyptiques, tout en explorant les paradoxes de cette angoisse mais aussi d’éventuelles sorties de crise.
D’emblée, les deux artistes parviennent à nous entraîner dans leur jeu, avec pour seuls accessoires leurs cahiers de notes, un micro, quelques coussins posés au sol. Des gestes viennent soutenir leur exposé des motifs. Pas besoin de casque de réalité virtuelle pour voir se dresser devant nous un arbre, puis une forêt, une rivière qui devient fleuve, une route. C’est le cadre sur lequel les artistes peuvent commencer à explorer des pistes pour écrire leur histoire, en trouver la tonalité, imaginer de quel type de danseurs ou performeurs ils vont avoir besoin.
« C’est la première fois que j’assiste aux tous premiers pas d’un projet de danse. C’est très émouvant. Et ce que j’ai vu me donne envie de découvrir la suite », commente une spectatrice dont je partage le ressenti. Le matériau de recherche est riche de futurs développements. Les questions existentielles se télescopent avec des enjeux politiques, l’intime avec le sociétal, le concret avec le conceptuel. Le tout, comme toujours chez la chorégraphe, assaisonné d’une bonne dose d’humour et d’auto-dérision.
Langages croisés
Empire of a Faun Imaginary est la deuxième pièce de Simone Mousset soutenue par le Klap, après The Passion of Andrea 2. Cette institution, qui fête ses 10 ans, est installée dans le nord de Marseille, au cœur de l’un des quartiers les plus pauvres de France. Sa façade d’ancien bâtiment industriel fraichement rénové – sur une surface de 2000 mètres carrés – tranche avec les immeubles décrépis qui l’entourent.
Sous la houlette de son fondateur et directeur, Michel Kelemenis, le Klap a réussi à trouver sa place dans une scène locale de la danse portée par des locomotives comme le Ballet Preljocaj à Aix-en-Provence et le Ballet national de Marseille. Le travail de médiation et de projets dans les écoles y est essentiel pour créer des ponts avec les habitants du quartier, « qui n’ont pas un rapport à un lieu de culture tel qu’on le conçoit », dit le responsable qui dirige une équipe de neuf personnes.
A l’instar du Centre de création chorégraphique de Luxembourg (TROIS-CL), le Klap fait partie du réseau européen des Maisons de la danse qui soutient la création nationale mais aussi internationale. Cela passe par des résidences croisées d’artistes de tous horizons culturels et artistiques. Avant Simone Mousset, une autre chorégraphe affiliée au TROIS-CL, Lea Tirabasso, a pu y travailler sur The Ephemeral Life of an Octopus. Michel Kelemenis, sera pour sa part fin 2022 en résidence au TROIS-CL pour travailler sur sa nouvelle pièce intitulée Magnifiques !, en hommage à ses danseurs qui lui permettent « de raconter le monde tel que je le perçois et veux le traduire ». Rendez-vous est pris !